Quelle économie voulons-nous “sauver” ? Priorité aux personnes – pas d’aides publiques pour les fossoyeurs du climat !

vendredi 24 avril 2020, par Attac Allemagne

Déclaration du groupe Marchés Financiers et Fiscalité de Attac Allemagne.

Outre le danger immédiat pour la santé, la « crise du coronavirus » s’accompagne d’effets négatifs massifs pour l’économie et la société dans son ensemble. La crise économique mondiale couve depuis un certain temps, la pandémie du coronavirus assure maintenant son plein essor. Suite à la stabilisation du cycle monétaire primaire (c’est-à-dire le refinancement des banques et de la dette nationale) par la BCE, des aides d’État (prêts et subventions) d’une ampleur sans précédent sont actuellement décidées en faveur des entreprises et des indépendants afin d’amortir l’impact de la crise. Ces mesures sont nécessaires, mais il y a des omissions importantes. Les personnes en situation de vie et d’emploi précaires sont à peine prises en charge par ces mesures. La restructuration écologique, dont la nécessité est urgente, menace d’être négligée. Et la question de savoir qui supportera les coûts des « sauvetages » est toujours ouverte. Les limites de ce qui est politiquement et économiquement « possible » ont subitement changé.

Comme lors de la « crise financière » de 2007 et des années suivantes, il est évident que le « manque d’argent » des gouvernements n’est pas un argument : l’argent peut être mobilisé rapidement en cas de besoin - dans presque toutes les quantités. Il est également révélateur qu’en temps de crise, tous les acteurs privés ont des performances, déterminées par le système, procycliques et contribuent ainsi à la spirale descendante. Seul l’État est capable d’intervenir de manière anticyclique ; il peut et doit assurer la stabilité économique. La demande de programmes de « sauvetage » de grande envergure de la part des gouvernements est donc inévitable. Ceux qui crient les plus fort sont ceux qui, par ailleurs, rejettent toute réglementation comme une « ingérence de l’État dans l’économie » : les banques et autres institutions financières ainsi que les grandes entreprises (liées aux combustibles fossiles). L’État en a les moyens s’il le souhaite : à court terme en développant les emprunts (obligations d’État), à plus long terme par une politique fiscale qui « récupère » l’argent dépensé par les entreprises et les riches. Les banques publiques peuvent également accorder des prêts illimités avec le soutien de l’État afin de garantir des liquidités à court terme, en particulier pour les petites entreprises

La stabilisation économique ne doit pas faire oublier que nous avons encore une deuxième crise urgente à surmonter : La protection du climat et la restructuration écologique de l’économie et des infrastructures ne doivent jamais être oubliées dans les mesures de crise.

Les erreurs du plan de sauvetage des banques de 2009 ne doivent pas être répétées en distribuant l’argent de manière aléatoire. La préservation la plus parfaite de l’économie (antérieure, pas exactement écologique) ne peut pas être le but !

Il est plutôt nécessaire d’examiner de près quelles industries et entreprises peuvent être « sauvées », et dans quelles conditions - et lesquelles doivent être réduites ou liquidées de manière contrôlée.

Des plans de sauvetage pour les personnes et l’économie régionale, pas pour les grandes entreprises e la filière des combustibles fossiles !

Ce n’est pas « l’économie » (de qui est-il question exactement ?) qui doit être sauvée, mais les personnes : d’une part les travailleurs concernés, d’autre part tous ceux qui ont besoin de biens et de services.
La garantie des moyens de subsistance et la fourniture des biens et services de première nécessité doivent être au centre de l’attention afin de donner à tous la sécurité de ne pas tomber dans le « néant ».
Dans la mesure du possible, les économies régionales et les petites et moyennes entreprises (PME) devraient être privilégiées par le sauvetage. La situation actuelle ne montre que trop clairement à quel point les filières d’approvisionnement, externalisées au niveau mondial, sont sujettes aux crises, en particulier pour les biens essentiels tels que les dispositifs médicaux.

Un financement des programmes de crise juste, purement et simplement !

Contrairement à 2009, les mesures anti-crise ne doivent pas être payées par le grand public, ni sous forme d’impôts ni sous forme de restrictions budgétaires. Les coûts des « sauvetages » devront être supportés par ceux qui ont bénéficié de manière disproportionnée des dernières phases d’expansion, sous la forme de revenus et de bénéfices élevés, d’une hausse des cours des actions et de faibles impôts. Depuis des décennies, les divisions sociales et les nouveaux déséquilibres économiques et écologiques ne cessent de s’aggraver. Ils sont la véritable cause de la crise économique qui a commencé bien avant le Coronavirus. La pandémie a « seulement » extrêmement accéléré le développement de la crise. Le système de subventions existant a lui aussi besoin d’une révision en profondeur. Au lieu de dépenser des centaines de milliards par an (directement ou sous forme de coûts externalisés) dans les industries fossiles, de la production d’énergie au transport en passant par l’agriculture industrielle, ces sommes doivent être réorientées vers une « nouvelle économie » régionalisée et durable sur le plan social et environnemental.

A quoi ressemblera l’économie post-Coronavirus ?

Les méthodes de production et de consommation dépassées, telles que l’industrie automobile surdimensionnée, la production en masse d’articles à courte durée de vie, voire jetables, ou les voyages et les croisières fréquentes en avion, ne doivent pas être maintenues en vie par des méthodes artificielles ! La crise du Coronavirus et les programmes d’aides financières gouvernementales nécessaires devraient être utilisées comme une opportunité pour assoir notre économie sur une base durable. Lors de la crise de 2007 et des années suivantes, les banques et le système financier ont été « sauvés » afin que le système économique puisse fonctionner comme par le passé. Le temps de la revanche a maintenant sonné et les déséquilibres sous-jacents éclatent d’autant plus violemment. La restructuration doit être socialement juste et impliquer les gens, leur offrir une perspective. Elle doit être accompagnée d’un large débat social sur la question suivante : "Quel type d’économie voulons-nous et de quoi avons-nous besoin après le Coronavirus face à la crise climatique ? La situation actuelle ne doit pas devenir un prétexte pour démanteler la démocratie - nous avons besoin de plus de démocratie et non moins, en particulier en ce qui concerne l’économie !

En tant que groupe de travail sur les marchés financiers et la fiscalité d’Attac Allemagne, nous demandons ce qui suit :

  • 1. afin d’assurer à la fois sa santé et sa survie économique, toute personne doit avoir droit à un versement mensuel d’un montant lui permettant de vivre dans la dignité et ce, jusqu’à nouvel ordre. Les procédures de demande et de versement des subventions doivent être rapides, non bureaucratiques et généreuses. La déclaration d’impôt qui suivra les versements permettra de vérifier si la subvention était justifiée ; si les revenus sont suffisants, un remboursement sera effectué.
  • 2. tous les programmes de crise et les investissements publics doivent être conçus pour promouvoir la reconversion socio-écologique. Afin de garantir un approvisionnement décentralisé, les entreprises régionales durables doivent bénéficier d’un soutien préférentiel, par exemple par le biais de prêts avantageux des banques publiques de développement (BEI, KfW, etc.) et, si nécessaire, bénéficier aussi de subventions. Là où il y a des problèmes, les industries fossiles devraient être placées sous le contrôle de l’État et réduites ou liquidées de manière contrôlée, et les secteurs d’activité nécessaires devraient continuer à être séparés.
  • 3. il convient maintenant de poser les jalons d’une politique fiscale équitable et coordonnée au niveau international. Attac a soumis des propositions détaillées à cet effet – par exemple :
    > augmentation des taux d’imposition maximums, suppression de l’impôt à la source sur les capitaux
    > impôt progressif sur la fortune et les successions
    > une lutte systématique contre la fraude, l’évasion fiscale et le détournement d’impôts
    > la réduction des lieux réservés aux activités de la finance parallèle (« paradis fiscaux »)
    > Introduction d’un impôt unique pour les grands groupes mondiaux avec des taux d’imposition minimums globaux
    > taxes (avec contrepartie sociale) sur la consommation de ressources et les réseaux transnationaux
    > une taxe généralisée sur les transactions financières
  • 4. Les services publics d’intérêt général doivent être renforcés, en commençant par le système de santé. Les domaines des services d’intérêt général qui ont déjà été privatisés doivent être à nouveau nationalisés par la voie démocratique.
  • 5. Le soutien de l’État aux entreprises ne peut être accordé que contre une prise de participation au capital et doit être assorti de contreparties. Il s’agit notamment d’une convention collective salariale, d’un comité d’entreprise, d’une limitation des salaires des cadres, de l’absence de versement de dividendes et de rachat d’actions, de la suppression des licenciements économiques et de la modernisation écologique des processus de fonctionnement et, le cas échéant, modification de la gamme de produits.
  • 6. le risque d’une augmentation du taux d’intérêt pour le financement des entreprises doit être limité.
  • 7. les opérations de paiement doivent être maintenues, même si les banques sont en difficulté.
  • 8. la spéculation sur les marchés financiers en crise doit être freinée par des mesures appropriées
  • 9. les rachats et les faillites d’entreprises liés à la crise doivent être évités

P.-S.

Traduction : Marianne Gerrer

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