Macron, Pécresse, Le Pen, Zemmour... qui creusera le plus les inégalités ?

vendredi 4 mars 2022, par Attac France, Raphael Pradeau

Pour Attac, association indépendante qui ne soutient aucun parti ni aucun candidat, la réélection d’Emmanuel Macron serait dramatique, alors que le quinquennat a été marqué par l’injustice fiscale, sociale et environnementale, et une inquiétante restriction des libertés.

Or, si l’on se fie aux sondages, trois des candidats parmi les mieux placés aujourd’hui pour accéder au second tour apparaissent au moins aussi dangereux : Marine Le Pen et Eric Zemmour prônent des thèses nationalistes, identitaires et xénophobes, tandis que Valérie Pécresse reprend à son compte le vocabulaire et certaines propositions de l’extrême-droite. Fidèle à ses positions recherchant des bouc-émissaires, la droite extrême cherche à séduire les classes populaires et moyennes en faisant croire que nos difficultés seraient causées par les immigrés ou les personnes de confession musulmane. Le débat politique est aujourd’hui saturé par les thématiques identitaires et xénophobes.

Pourtant, si l’on s’intéresse à leurs programmes économiques, il est troublant, pour ne pas dire confondant, de voir la similarité des propositions de Marine Le Pen, Eric Zemmour, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron. S’il existe des différences entre ces quatre candidat·es, tou·tes portent des propositions comparables, dans une forme de surenchère sidérante et dangereuse pour approfondir la logique libérale, ce qui aboutirait à creuser encore davantage les inégalités ainsi que l’injustice fiscale et sociale.

C’est ce que nous avons montré dans le rapport sur « Les candidats des inégalités », publié ce jeudi 3 mars.

Une fiscalité en faveur des plus riches

Aucun·e des candidat·es des inégalités ne veut remettre en cause le prélèvement forfaitaire unique (PFU) instauré par Emmanuel Macron en 2017, alors qu’il est désormais démontré que le seul effet de cette mesure a été de doper le versement des dividendes, en faveur des plus fortunés.

Aucun·e ne recommande de procéder à une « revue des niches fiscales ». Bien au contraire, Valérie Pécresse veut doubler le crédit d’impôt pour l’emploi d’un·e salarié·e à domicile, alors que les plus riches seraient les grands gagnants d’un renforcement de ce dispositif ; Eric Zemmour veut doubler le quotient familial (donc doubler l’économie d’impôt qui résulte de l’application des parts et des demi-parts du quotient familial), ce qui bénéficierait surtout aux 5 % de ménages les plus riches. Quant à Marine Le Pen, elle propose une exonération d’impôt sur le revenu des moins de 30 ans, qui bénéficierait surtout aux jeunes aisés et non à ceux qui, en raison du niveau de leur revenu, ne paient pas d’impôt sur le revenu.

Emmanuel Macron a supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour le remplacer par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) au bénéfice des 350 000 personnes les plus riches. Il ne reviendra pas là-dessus, tandis que d’autres proposent d’affaiblir l’IFI : Valérie Pécresse veut que la résidence principale soit exonérée à hauteur de 50 % (contre 20 % actuellement) tandis qu’Eric Zemmour veut l’exonérer à 100 %. Ces mesures ne pourraient bénéficier qu’à celles qui paient l’IFI, soit moins de 143 000 personnes aisées. De son côté, Marine Le Pen veut un impôt sur la fortune financière et ne plus imposer l’immobilier, ce qui rapporterait moins que l’ISF.

Les 4 candidat·es sont également d’accord pour baisser les droits de donation et de succession, plus ou moins fortement selon les propositions, alors qu’il existe des abattements très utilisés par les plus riches pour transmettre une part de leur patrimoine sans payer d’impôt. Alléger les droits de donation et de succession, en rehaussant les abattements et en réduisant le délai entre deux donations, bénéficierait massivement aux personnes qui ont un patrimoine important à transmettre, soit essentiellement aux 10 % les plus riches qui détiennent la moitié du patrimoine des ménages. C’est ce que Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour proposent. Emmanuel Macron est resté plus vague sur ses intentions mais a évoqué un geste pour les transmissions « populaires », alors qu’elles sont déjà exonérées à de très rares exceptions près (succession d’un parent lointain par exemple).

Ainsi, les propositions des candidat·es des inégalités visent toutes à abaisser les impôts des plus aisés, de manière plus ou moins ciblée et auraient toutes un impact important sur la hausse des inégalités !

Une fiscalité en faveur des grandes entreprises

Emmanuel Macron a réduit le taux nominal de l’impôt sur les sociétés (IS) de 33,3 % à 25 % et a engagé une baisse des impôts dits « de production » (qui constituent en fait, les impôts locaux et sociaux des entreprises) de 20 milliards d’euros.

Aucun des candidat·es des inégalités ne souhaite remettre en cause la baisse du taux de l’IS ni les « niches fiscales » (qui bénéficient essentiellement aux grandes entreprises) de l’IS, tou·tes veulent poursuivre la baisse des impôts de production, comme le réclame le MEDEF.

Mieux vaut être riche pour frauder

Aucun·e des candidat·es des inégalités ne veut renforcer la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. En revanche, tou·tes parlent de renforcer la lutte contre la « fraude sociale », et notamment la fraude aux prestations sociales, laquelle est estimée à 3 milliards d’euros, contre 20 milliards d’euros pour la fraude aux cotisations sociales (issue du travail et des revenus non déclarés) et 80 milliards d’euros pour la fraude fiscale. Les candidat.es des inégalités omettent de rappeler que le montant du non recours aux prestations sociales est bien supérieur à celui des fraudes aux prestations sociales : chaque année, plus de 10 milliards d’euros d’aides sociales ne seraient pas réclamés par leurs potentiels bénéficiaires.

Fort avec les faibles, faible avec les forts : c’est la philosophie des candidat·es des inégalités, qui refusent de lutter contre l’évasion fiscale mais veulent traquer les allocataires de prestations sociales. Ce serait donc par la faute des pauvres, ou des immigré·es, percevant de façon indue des prestations sociales que notre système de protection sociale connaîtrait des problèmes de financement, et non pas des riches et des multinationales échappant à l’impôt.

Pouvoir d’achat : l’illusion par le sous-financement de la protection sociale

Aucun·e des candidat·es des inégalités ne propose de revaloriser le SMIC ni les salaires. Mais tou·tes promettent d’augmenter le pouvoir d’achat en réduisant les cotisations sociales : il s’agit d’afficher une hausse du salaire net et d’éviter toute politique salariale ambitieuse visant à rehausser la part des salaires dans la valeur ajoutée du pays, alors que celle-ci se situe à un niveau historiquement bas et que les profits des entreprises battent des records.

Or, une baisse des cotisations sociales signifie une diminution des ressources de la Sécurité sociale, ce qui justifierait demain de nouvelles contre-réformes des retraites ou des allocations chômage.

Vers un autre modèle social

Dans la droite ligne des propositions visant à affaiblir les ressources sociales, les candidat·es des inégalités proposent une baisse des droits sociaux. Emmanuel Macron a déjà engagé une réforme de l’assurance chômage qui a pénalisé 1,2 million de chômeurs. Valérie Pécresse veut la durcir par une plus forte dégressivité des indemnisations pour les moins de 50 ans rémunérés à 2 fois le SMIC et, surtout, suspendre l’indemnisation en cas d’un seul refus d’emploi ou de formation, ce qui reviendrait à forcer les chômeurs à accepter n’importe quel emploi.

En matière de retraites, Emmanuel Macron prévoit une « réforme » dont on sait qu’elle sera guidée par le principe de « travailler plus longtemps » et qu’elle risque de se traduire par une baisse du niveau des pensions. Valérie Pécresse dit vouloir repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans, contre 64 ans pour Eric Zemmour, tandis que Marine Le Pen a abandonné sa promesse de retraite à 60 ans. Or, compte tenu du taux d’emploi des plus de 55 ans, cela signifiera tout à la fois une période plus longue avec des revenus faibles, une pension de retraite plus basse et une période de retraite en bonne santé plus courte.

En matière de politique familiale, si Emmanuel Macron est discret, les 3 autres candidat·es rivalisent de propositions avec un parfum « travail, famille patrie » indéniable. Valérie Pécresse et Eric Zemmour veulent l’universalité des allocations familiales, ce qui ne bénéficierait qu’aux familles riches. Eric Zemmour propose en outre une prime de 10 000 euros pour chaque naissance en zone rurale tandis que Marine Le Pen dit vouloir soutenir les « familles françaises » avec une subvention au 3e enfant.

Une politique d’affaiblissement des services publics

Puisque les recettes publiques sont affaiblies, il faut bien réduire le périmètre et les moyens de l’action publique, c’est la logique profonde d’ensemble des propositions des candidat.es des inégalités. En affaiblissant le système de protection sociale et les services publics, ce sont donc principalement les personnes pauvres et des classes « moyennes » qui en pâtiront. Comme ce sont justement la protection sociale et les services publics qui permettent de diminuer les inégalités mais seraient affaiblis par les propositions de ces candidat·es, les inégalités ne pourraient qu’augmenter plus rapidement.

Ainsi, malgré leurs divergences, Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour mèneraient une politique qui renforcerait l’injustice fiscale et sociale, c’est pourquoi nous les avons appelé les « candidat·es des inégalités ».

Voir également l’article de Mediapart à son sujet, ici : « Attac s’en prend aux "candidats des inégalités" »

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