Macron : entre la stratégie de com et la réalité, le grand écart

mardi 16 mai 2023, par Attac France

Emmanuel Macron a tenté de reprendre la main dans une période où ses choix et la méthode d’exercice du pouvoir sont fortement contestés. Il a notamment annoncé vouloir « rouvrir les discussions avec la grande distribution » sur le pouvoir d’achat en déclarant : « On veut qu’il n’y ait pas de marges exceptionnelles qui soient faites dans cette période », Il a également annoncé une baisse d’impôt de deux milliards d’euros qui serait concentrée sur les « Français et les Françaises qui travaillent dur », d’ici 2027.

Ces déclarations révèlent la fébrilité du pouvoir, qui sait parfaitement que les injustices fiscales et sociales sont de moins en moins supportables par l’immense majorité par la population. Mais en maintenant coûte que coûte son orientation politique, Emmanuel Macron engage une opération de communication basée sur des annonces trompeuses qui se situent à l’opposé des attentes de la population et des enjeux.

« Partage de la valeur » : un débat tronqué et trompeur

Pris en tant que tel, le partage de la valeur devrait consister à aborder le partage de la valeur ajoutée, autrement dit du partage de la richesse créée. En réalité il n’en est rien : sourd aux demandes de hausse des salaires et de réduction des inégalités, le projet du gouvernement vise uniquement à élargir les dispositifs inspirés de la participation et de l’intéressement. Ce type de mesure ne s’inscrit dans la suite des dispositifs de type « prime Macron », qui a montré que, sur 27,6 millions de salarié·es en 2021, seuls 4 millions l’ont perçue (contre 6 millions en 2020 et 5 millions en 2019) pour un montant moyen de 506 euros, loin du plafond de 1.000 euros promu par Emmanuel Macron.

La participation et l’intéressement sont les principaux outils de partage des bénéfices au profit des salarié·es. Or, une minorité en bénéficient. Selon la Dares, seuls 36 % des salarié·es ont perçu une prime de participation en 2020 (3,6 % des salarié·es d’entreprises de moins de 10 salarié·es) et 30 % bénéficient de l’intéressement. Surtout, une minorité du bénéfice est ainsi « distribué » aux salarié·es, les gros actionnaires étant les grands gagnants des distributions de dividendes voir dernière publication de l’observatoire des multinationales sur la question.

Au-delà, aborder la question du « partage de la valeur » sous ce seul aspect exclut de facto une hausse des salaires. Or, outre qu’il est légitime de rehausser la part des salaires dans la valeur ajoutée, pour une relance économique digne de ce nom, il est essentiel d’augmenter les salaires, puisque ceux-ci constituent souvent l’unique source de revenus des ménages. Ceux-ci, s’ils veulent investir pour l’avenir, comme, par exemple, s’endetter pour leurs résidences principales, ne peuvent compter que sur une source de revenu stable et durable, ce qu’est un salaire et ce que ne sont pas les dispositifs de type « dividende salarié ».

2 milliards de baisse d’impôt pour les classes moyennes ?

En annonçant qu’il allait demander au gouvernement de formuler des propositions pour baisser les impôts des classes moyennes d’environ 2 milliards d’euros, Emmanuel Macron révèle plusieurs points.

  • Aucune mesure précise n’est annoncée, ce qui montre la fébrilité et la précipitation du pouvoir. Celui-ci reste cependant obstinément orienté dans un discours anti-impôt et ne révèle jamais les conséquences de ses choix sur le financement de l’action publique (ou de la protection sociale si la mesure prenait la forme d’une baisse ciblée de cotisations salariales), comme l’illustre la récente campagne de communication de Gabriel Attal "En avoir pour mes impôts".
  • Ce faisant, il esquive une part importante de son bilan : le coût désastreux de mesures fiscales injustes et inefficaces. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU/ flat-tax) auront coûté au minimum 5 milliards d’euros par an (depuis 2018 concentrés sur les 1 % les plus riches), la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés aura coûté plus de 11 milliards d’euros entre 2018 et 2022, la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises coûtera 17 milliards d’euros d’ici 2024… La baisse des impôts de production et des ménages les plus riches n’ont pas provoqué d’effet notable sur l’investissement et l’emploi, ce qui veut dire qu’elles ont creusé les déficits publics, lesquels seront invoqués pour mettre en œuvre une austérité budgétaire particulièrement néfaste. Dans ces conditions, la baisse de 2 milliards d’euros prêterait à sourire.

Le véritable enjeu reste plus que jamais de procéder à une réforme fiscale globale. Avec une réelle progressivité de l’impôt, qui mettrait davantage à contribution les plus riches et les grandes entreprises, il serait tout à fait possible de dégager des recettes supplémentaires en répartissant plus justement la charge fiscale.

En réalité, cette baisse (faible au regard du nombre de personnes concernées) très politique ne répondra nullement aux enjeux, elle est uniquement destinée à envoyer un signal sans pour autant présenter la portée des mesures que le pouvoir prépare. Le conflit contre la réforme des retraites le montre : la baisse des dépenses publiques, qui constitue la seule boussole du pouvoir, se traduit par une réduction des droits sociaux et une baisse du pouvoir d’achat des ménages.

Les faits parlent d’eux-mêmes. Emmanuel Macron déplore des « marges exceptionnelles » mais refuse de taxer les superprofits et les superdividendes, il refuse de revenir sur ses choix fiscaux et sociaux (ISF, PFU, assurance chômage, retraites, RSA) injustes et inefficaces, il déclare vouloir renforcer la lutte contre la fraude fiscale tout en supprimant des emplois dans l’administration fiscale [voir la réaction d’Attac à l’annonce du plan de lutte contre la fraude fiscale de Gabriel Attal la semaine dernière, il prétend être engagé dans la transition écologique tout en réclamant une « pause » dans les normes environnementales européennes, etc. Rarement la stratégie de communication n’aura été aussi éloignée de la réalité des projets du pouvoir et, plus grave, des enjeux.

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