CETA : que faire après l’épisode wallon ?

mardi 8 novembre 2016, par Attac France

Dimanche 30 octobre 2016, le CETA a finalement été signé par le Président du Conseil de l’Union Européenne, Donald Tusk, et le Premier Ministre canadien Justin Trudeau. Le Parlement de Wallonie ainsi que deux autres parlements francophones belges avaient résisté durant quinze jours, en refusant de donner leur délégation de signature au Gouvernement fédéral belge.

Où en sommes-nous ?

Le Ministre-président de Wallonie, Paul Magnette, avait prévenu qu’il ne souhaitait pas bloquer l’accord. Il a fini par l’accepter suite à l’adoption d’une série de déclarations explicatives par le Conseil de l’UE et d’une déclaration appelée « instrument explicatif conjoint » par les Parties (Canada, Union Européenne et les 28 États membres). Ces documents portent un certain nombre de précisions. Enfin, des documents ont été émis (dans la nuit du vendredi 28 au samedi 29 octobre !) par le Conseil de l’UE portant, entre autres, sur l’application provisoire du CETA.

Pour juger de la portée de ces déclarations, il faut établir leur valeur juridique et leur précision :

  • La déclaration belge ne concerne que la Belgique, mais elle est politiquement intéressante car elle indique les conditions dans lesquelles la Belgique pourrait ratifier ou pas. La Belgique ne ratifierait pas le CETA si l’ICS (« Investment Court System » - nouvelle version du Règlement des différends investisseurs-États) demeurait en l’état. Elle annonce par ailleurs qu’elle va déposer une saisine en constitutionnalité de l’ICS auprès de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne). La déclaration belge indique aussi qu’il n’y aura ratification que si aucune de ses régions ou communautés linguistiques ne trouve d’effets socio-économiques et environnementaux néfastes pendant l’application provisoire.
  • Les déclarations de l’UE et des États membres n’engagent que ces derniers, pas le Canada.
  • L’instrument interprétatif conjoint est contraignant car il engage le Canada et l’UE, mais il contient beaucoup d’affirmations très générales, peu précises, peu engageantes. Par exemple, le point censé rassurer les PME sur leur situation est une apologie du libre-échange sans contenu autre qu’idéologique, de même que les points concernant la coopération réglementaire, les services publics, ou l’agriculture.

Quelques avancées, largement insuffisantes

Le flou demeure sur la nature des membres qui composeront l’ICS et sur l’existence d’un code de conduite réellement contraignant, c’est-à-dire prévoyant des sanctions en cas de manquement à leurs obligations de probité. Certes, il est écrit que ce code verra le jour avant les ratifications nationales, mais il ne s’agit que de promesses de la Commission européenne.

Les quelques clarifications apportées sur les protections du travail et de l’environnement, ainsi que sur les services publics, ne sont pas à la hauteur des dégâts que, par ses autres dispositions, le traité pourrait leur causer.

La coopération réglementaire était déjà prévue sur une base volontaire : mais c’est bien la Commission européenne qui décidera de s’engager ou pas. Vu le poids des lobbies dans ces processus de décision, nous pouvons être certains qu’elle le fera.

Les ratifications nationales ne sont pas acquises

La Commission européenne a fini par annoncer la « mixité » du CETA, ce qui signifie que cet accord doit être signé à la fois par l’UE et par les 28 États membres. Mais elle a aussi précisé que la décision finale dépendrait de l’interprétation que donnera la CJUE de l’accord UE-Singapour : si ce dernier est déclaré « non-mixte », cela servira d’alibi à la Commission pour imposer l’abandon des ratifications nationales.

Il faut donc batailler pour ne pas laisser les gouvernements et les Parlements céder sur l’exigence de ratifications nationales.

Ce qu’il faut retenir de l’épisode wallon

  • nos mobilisations ont mis le CETA sous le feu des projecteurs ; à nous de maintenir la pression, notamment sur les parlementaires européens et nationaux pour faire dérailler la ratification ;
  • des États (Belgique, Allemagne, Autriche, ...) se sont engagés à ne pas accepter l’accord si certaines conditions ne sont pas réunies, ce qui confirme que ce type d’accord pose des problèmes : à nous, par nos mobilisations, de poursuivre le travail ;
  • ce type d’accord apparaît archaïque car il ne répond en rien aux défis de notre monde (défis climatiques et environnementaux, problèmes agricoles, maîtrise des (bio)technologies, services publics, etc.) ;
  • ce type d’accord pose des problèmes démocratiques insolubles : comment qualifier le CETA de modèle pour le futur comme tente de le faire le gouvernement français lorsqu’il met en place un privilège de juridiction en faveur des entreprises transnationales, et lorsqu’il donne la clef des réglementations à leurs lobbys par le biais de la coopération réglementaire ?

Par ailleurs, en Allemagne, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a été saisie sur la constitutionnalité de l’ensemble du traité.

Nous avons marqué des points, mais il s’agit désormais d’aller plus loin pour que la ratification du CETA soit un échec.

Quelles sont les prochaines échéances ?

  • le 5 décembre 2016 : vote de la commission INTA au Parlement européen ;
  • le 14 février 2017 (date à confirmer) : débat au Parlement européen.

Que faire maintenant ?

Le CETA comporte au total 1 600 pages : 230 pages de l’accord même et 1 370 pages d’annexes. À cela viennent s’ajouter plusieurs centaines de pages issues des différentes déclarations interprétatives. Après avoir négocié en secret, nos adversaires font tout pour que personne ne puisse comprendre ce que ce texte contient réellement.

Comme en 2005 avec le Traité constitutionnel européen, l’équipe de campagne Attac travaille sur le contenu du texte et va en extraire des citations clés pour faire découvrir au plus grand nombre ses pires travers. Loin des rideaux de fumée, des passages en forces et des « éléments de langage » avancés par la Commission ou le gouvernement français, nous souhaitons démontrer que le ver est dans le fruit : le CETA est un accord d’un autre temps. Il est mauvais pour les peuples et la planète. Aucun ajout, aucune déclaration interprétative ne pourra jamais changer cela !

Nous allons publier une version commentée du texte et allons imprimer et envoyer des exemplaires aux comités locaux qui le souhaitent pour qu’ils les remettent à l’ensemble des députés européens. Nous comptons accompagner cette publication avec des documents pédagogiques et des supports de communication à diffuser largement ainsi que des infographies et des vidéos.

S’il est mauvais pour les peuples et la planète, pourquoi signer le CETA ? Pour le gouvernement français, le CETA serait bon pour « nos » entreprises, pour les entreprises « françaises » : comprenez le CETA va créer des emplois en France. Or, selon une étude indépendante de l’Université Tufts aux États-Unis, le CETA pourrait détruire jusqu’à 200 000 emplois en Europe, dont au moins 40 000 en France.

Avec leurs lobbys, ce sont les multinationales qui sont les plus ardents défenseurs du CETA et qui en seront les principaux bénéficiaires. D’ailleurs elles sont nombreuses à s’être félicitées de sa signature le 30 octobre dernier. Dans les semaines à venir, nous allons publier des infographies et proposer des actions pour montrer comment les multinationales vont être les grandes gagnantes du CETA.

La bataille est donc loin d’être terminée et nous comptons la mener avec le collectif national Stop TAFTA et les collectifs locaux qui agissent partout en France. Si vous souhaitez vous impliquer dans la mobilisation, n’hésitez pas à nous contacter par courriel : TAFTA-ceta@attac.org.


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