Loi asile et immigration : le gouvernement s’aligne sur l’agenda de l’extrême-droite

mercredi 20 décembre 2023, par Attac France

L’inconséquence et l’irresponsabilité le disputent au déshonneur. La « loi immigration » a été votée le 19 décembre par le RN, LR et les trois quarts des députés de la majorité présidentielle (de plus en plus relative).

Celui-ci et son gouvernement viennent ainsi d’offrir avant Noël un beau cadeau à la droite extrême et à l’extrême droite avec, notamment, la promesse d’une réforme de l’aide médicale d’État (AME), l’allongement de la durée nécessaire aux étranger·es résidant légalement sur le territoire pour percevoir des allocations (allocations familiales et allocation logement) et d’autres mesures dont le durcissement des conditions de régularisation des travailleurs et travailleuses sans papier dans les secteurs en tension.

Le bloc LRN fait sa loi

Dans le « compromis » à la base du texte final, la droite, de plus en plus inspirée par l’extrême droite, a lourdement pesé sur le gouvernement affaibli et en plein dévoiement pour que l’esprit du vote du Sénat - qui a considérablement durci le texte initial - demeure présent. La double obssession de l’exécutif, ne pas utiliser l’article 49-3 et de réaliser des économies budgétaires sur le dos des populations ont achevé de le décrédibiliser.

En d’autres termes, la droite et le gouvernement, unis dans le même déshonneur qui, hélas, entraîne également celui du pays, auront réussi à déplacer le débat politique encore un peu plus sur le terrain des mouvements d’extrême droite. Le RN a d’ailleurs salué "une énorme victoire idéologique de la préférence nationale". Si depuis plusieurs mois, le gouvernement a contribué à respectabiliser le RN, c’est désormais son programme qu’il applique. Grave dérive qu’il faut plus que jamais dénoncer et combattre.

L’AME en sursis

Répondant à des objectifs de solidarité et de lutte contre l’exclusion, l’AME coûte actuellement 935 millions d’euros par an, soit environ 0,5% des dépenses de santé. La future réforme promise par le gouvernement à la droite et à l’extrême droite s’appuierait sur les propositions du rapport Stefanini-Evin sur pour un resserrage du dispositif.

Ce rapport nuance fortement l’argument de la droite et de l’extrême droite selon lequel l’AME crée « un appel d’air migratoire ». Sur ce point, le rapport se montre clair : « L’AME n’apparaît pas comme un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration », relèvent les auteurs qui précisent que la consommation trimestrielle moyenne de soins par personne « est restée stable en dépit de l’augmentation du coût des soins », « de 642 euros en 2009 à 604 euros en 2022 ».

Par ailleurs, selon le rapport, l’AME est « un dispositif sanitaire utile », « globalement maîtrisé » et « qui ne génère pas de consommations de soins faisant apparaître des atypismes, abus ou fraudes structurelles ». C’’est « l’affirmation par la nation d’un principe humanitaire et éthique et la protection de la santé individuelle des personnes et de la santé collective de la population résidant en France ».

Néanmoins, ce rapport préconise aussi un resserrement de l’AME. Et ce, alors qu’il fait d’une part l’objet d’un taux record de non recours (49 %) ; et d’autre part, qu’il est plus restrictif en France que dans de nombreux pays. En effet, l’AME n’est pas un dispositif universel : elle ne concerne que les personnes étrangères en situation irrégulière sur conditions de ressources (inférieures à 809,90 € par mois pour une personne seule depuis avril 2023). « Contrairement au droit en vigueur dans d’autres pays européens dans lesquels l’accès aux soins est prévu pour l’ensemble des étrangers en situation irrégulière » notent les auteurs du rapport - dont fait partie un ancien directeur de campagne de François Fillon en 2017, issu de la droite dure.

Relevant que le nombre de bénéficiaires augmente depuis 2019, les auteurs du rapport proposent des adaptations. Ils proposent de « retirer le droit à l’AME » aux « personnes frappées de mesures d’éloignement pour motif d’ordre public ». Ils proposent surtout de « resserrer certains critères d’éligibilité ». En particulier, seuls les ayants droits mineurs devraient, selon les auteurs, bénéficier de l’AME (alors qu’actuellement, cette condition n’existe pas pour les enfants). Ils proposent enfin de prendre en compte « les ressources de l’ensemble du foyer ».

L’engagement du gouvernement à réformer l’AME repose-t-il sur des bases idéologiques et/ou sur des considérations purement tactiques ? Peu importe au fond, car dans les deux cas, en participant du déplacement du débat politique vers l’extrême droite, il s’est déconsidéré en légitimant ce qu’il prétendait combattre.

L’allongement de la durée pour percevoir des allocations familiales : inique (et inconstitutionnel ?)

Les prestations familiales sont versées aux familles résidant légalement en France et ce, quels que soient leur nationalité et le statut juridique de l’union (mariage, pacs, union libre) en cas de vie en couple. Le délai permettant à une personne étrangère régulièrement installée sur le territoire national de bénéficier des prestations familiales passerait de 6 mois à 30 mois pour une personne qui travaille, et 5 ans pour une personne ne travaillant pas (le délai de 5 ans pour les personnes étrangères ne travaillant pas s’appliquerait également pour les allocations personnalisées au logement - APL). 

Le délai de 6 mois actuellement applicable répond une logique : il correspond à l’un des critères permettant de déclarer une personne comme résidente fiscale. Rappelons que, pour déterminer la résidence fiscale, plusieurs critères sont pris en compte : 

  • les personnes qui ont sur le territoire français leur foyer ou le lieu de leur séjour principal,
  • celles qui y exercent une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles n’établissent que cette activité est exercée en France à titre accessoire 
  • ou encore celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. 

Pour Attac, ces critères de bons sens devraient logiquement. s’appliquer en matière de prestations sociales. Le pouvoir et ses alliés ont au contraire choisi de les durcir.

Une personne étrangère pourrait donc à l’avenir être considérée comme résidente fiscale en France (avec l’obligation de déclarer ses revenus), payer des impôts et des cotisations sociales comme les « nationaux », mais ne pas être considérée comme une "résidente sociale" et donc être privée de certains droits durant une longue période, simplement parce qu’elle est étrangère. Le pire n’étant jamais sûr, les personnes qui ne travaillent pas seront davantage pénalisées puisque pour elles, le délai sera allongé à 5 ans. Outre l’injustice de ce rallongement doublement discriminant, qui contrevient aux principes de solidarité de la Sécurité sociale, cette mesure pénalisera les enfants des familles concernées et les appauvrira. Profondément anti-sociale, elle mérite également d’être déclarée anti-constitutionnelle.

Attac France, qui a déjà dénoncé les idées fausses que la droite et l’extrême droite relaient sans cesse sur l’immigration, appelle à se joindre aux mobilisations pour combattre cette loi qui n’aura qu’un résultat : déchaîner les passions en stigmatisant les étrangè·es, organiser le repli nationaliste, nier les solidarités, aggraver la pauvreté et l’exclusion et faire « sauter les digues » en légitimant un peu plus l’extrême droite, lui permettant ainsi de diffuser davantage ses idées et de se rapprocher du pouvoir. Il faut opposer à cette vision une approche altermondialiste des phénomènes migratoires fondée sur des principes généraux simples mais primordiaux : travailler à un accueil digne des migrants contraints à l’exil ; et partout dans le monde, faire valoir la primauté des Droits Humains Fondamentaux

Après la réforme des retraites, c’est une nouvelle loi régressive qu’Emmanuel Macron et son gouvernement imposent brutalement. Décidément, l’inconséquence et l’irresponsabilité le disputent au déshonneur.

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