Vers un relèvement de la fiscalité du capital, sauf en France ?

mercredi 12 mai 2021, par Attac France

Dans un rapport du 11 mai, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) propose à l’échelle internationale de mobiliser l’impôt sur les successions et les donations pour réduire les inégalités. L’idée générale est d’imposer les bénéficiaires des héritages et des dons qu’ils reçoivent “tout au long de leur vie”. Après les déclarations de Joe Biden sur l’imposition des revenus du capital et des multinationales, ce rapport suscite un intérêt bien légitime pour celles et ceux qui, comme l’association Attac, estiment que la justice fiscale est plus que jamais une priorité absolue.

L’OCDE livre des propositions intéressantes...

Pour l’OCDE, “Les impôts sur les successions et les donations pourraient jouer un rôle plus important” dans la réduction des inégalités de patrimoine, la promotion de l’égalité des chances et le rendement budgétaire. 24 pays sur 37 membres de l’OCDE ont de tels impôts sur les successions et les donations, ceux-ci représentant en moyenne, 0,5% des recettes fiscales des pays concernés. Dans ces 24 pays, 4 présentent des droits de succession et de donation en moyenne plus élevés (la Corée, le Japon, la France et la Belgique), mais pour un rendement également faible, entre 1 % et 2 % des recettes fiscales en moyenne. L’OCDE se prononce en faveur d’une taxation accrue des revenus du capital.

Les préconisations de l’OCDE et la lecture qu’en fait Attac sont les suivantes. L’OCDE souhaite taxer les transmissions de patrimoine à l’échelle d’une vie. Il s’agit là d’une nouvelle approche dont le but explicite ne peut qu’être salué : réduire les inégalités. Cette taxation s’effectuerait en recourant à un impôt sur le patrimoine avec un barème progressif, ce qui est la condition sine qua non d’une réduction effective des inégalités. L’OCDE propose également de rapprocher les taux d’imposition entre parents proches et éloignés, ce qui permettrait effectivement une plus grande équité, puisque les barèmes présentent, en France, de grandes disparités, ce qui accroît le sentiment d’injustice de parents éloignés qui héritent d’un patrimoine peu important alors qu’il existe de réduire l’impôt pour les transmissions en lignes directes, de parents à enfants par exemple. L’OCDE propose d’exonérer de droits de succession des petits patrimoines, ce qui est déjà le cas en France puisque 25 % des successions seulement sont taxables, les autres portant sur des patrimoines qui bénéficient des abattements et n’étant donc pas imposables. L’OCDE souhaite également encourager les donations aux jeunes générations : pour Attac, cela doit concerner toutes les générations et pas seulement les générations des foyers très aisés, qui bénéficient déjà de donations et des abattements prévus que l’OCDE veut également réduire à juste titre. L’OCDE propose de supprimer les avantages de l’assurance vie, un placement très prisé en France (et fortement encouragé par le gouvernement avec la loi Pacte) et qui permet d’échapper largement à l’impôt. Enfin, on ne peut que souscrire à la proposition d’améliorer l’information du grand public sur ce type d’impôt. Ceux-ci ont en effet parfois été taxés d’impôt sur la mort par ceux qui voulaient en finir avec eux pour le plus grand bénéfice des foyers les plus aisés.

Qui suscitent déjà une opposition en France...

Les droits de mutation, à titre gratuit (les successions et les donations) ont dégagé un rendement de 14,5 milliards d’euros en 2020. Le discours néolibéral a joué sur la peur de voir ses enfants payer de lourds impôts trop élevés sur le patrimoine qui leur sera légué. Or, il n’en est rien. Selon France stratégie : « En ce qui concerne les transmissions en ligne directe (entre parents et enfants), (...) le taux moyen d’imposition effective a varié entre 2 % et 3 % » alors que, globalement, « le taux moyen d’imposition effective (est de) 5 % en 2015 »1. Ce faible taux s’explique ainsi : en France, le patrimoine net médian s’élevait à 117 000 euros en 2019. Par ailleurs, les plus aisés organisent la transmission de leur patrimoine au long de leur vie en optimisant les abattements et les mécanismes de donation. Pour l’immense majorité des successions et des donations, l’imposition est donc faible, voire nulle. Le taux d’imposition le plus élevé se trouve dans les transmissions vers des parents éloignés ou des tiers sans lien de parenté et pour les patrimoines importants.

Les opposants à une réforme des droits de mutation à titre gratuits avancent que la France fait partie des pays dans lesquels ces impôts représentent une part plus élevée qu’ailleurs. Ils oublient cependant de préciser d’une part, que l’OCDE prône une hausse globale de la fiscalité du capital, à l’inverse des mesures prises ces dernières années et d’autre part, qu’une réforme de ces impôts est nécessaire pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les inégalités de patrimoines sont importantes en France et ne diminuent pas, preuve que la fiscalité ne joue pas son rôle redistributif : les 1 % les plus riches détiennent entre 16 et 17 % du patrimoine total des ménages. La gestion patrimoniale consistant à transmettre un important patrimoine en franchise d’impôt s’effectue tout au long de la vie des plus aisés a pour effet de nourrir les inégalités.

Les droits de mutation à titre gratuit n’ont jamais été refondus : elle comporte plusieurs barèmes qui ne correspondent plus aux réalités, notamment en raison de l’évolution du « modèle familial ».

Les sommes qui seraient mobilisées par une réforme seraient plus qu’utiles face aux enjeux sociaux et environnementaux.

En matière de réforme de la fiscalité sur la transmission du patrimoine, les principales pistes préconisées par Attac consistent à :

  • mener une action pédagogique afin de montrer l’importance de ces impôts en matière de rendement et de réduction des inégalités,
  • procéder à un toilettage des différents barèmes, établis voici longtemps en fonction des liens de parenté,
  • instaurer un abattement sur la résidence principale en montant et non plus en pourcentage afin de donner davantage de visibilité,
  • élargir l’assiette de ces impôts à l’assurance vie,
  • réduire le montant de certains abattements, notamment en ligne directe.

L’actualité fiscale, décidément riche et intéressante, sera bientôt nourrie par la publication du livre d’Attac intitulé « Impôts : idées fausses et vraies injustices », publié ce 19 mai, qui déconstruit, illustrations à l’appui, 17 des principales idées fausses en matière de fiscalité et livre des propositions de justice fiscale.

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