Les enjeux de la lutte contre les méga-bassines

jeudi 29 décembre 2022, par Gilles Sabatier

Par son ampleur et son retentissement, la mobilisation contre le projet de méga-bassine de Sainte-Soline a jeté un coup de projecteur sur la lutte contre ces rétentions d’eau, synonyme de privatisation d’un bien commun vital.

Cet entretien est tiré du dernier numéro de notre trimestriel, Lignes d’Attac, disponible dans sa version papier en adhérant ou en s’abonnant.

Qu’est qu’une méga-bassine ?

Il s’agit d’une réserve d’eau artificielle, de très grande taille, en moyenne de 10 hectares, de 8 mètres de profondeur, tapissée d’une bâche plastifiée, ceinturée par une digue de 10 mètres de hauteur. Ses promoteurs affirment que ces bassines permettent de récupérer de l’eau de pluie en hiver.

Bien sûr, il ne pleut pas suffisamment pour remplir les bassines ; toutes disposent d’un système de pompage qui prélève de l’eau dans la nappe phréatique ou dans les cours d’eau avoisinants. Cela n’est pas sans conséquence sur l’eau potable et sur la biodiversité ; certains cours d’eau s’assèchent suite à la construction de bassines.

Par ailleurs, 20% de cette eau disparaît sous forme d’évaporation. Ainsi, le cycle de l’eau se trouve considérablement perturbé. Paradoxalement, en ces périodes de sécheresse, il est demandé aux habitant·es de restreindre leur consommation d’eau.

Les bassines servent à irriguer de grosses exploitations productivistes, tournées vers l’exportation, telles que le maïs, gourmand en eau, utilisé pour l’élevage industriel. Cette agriculture utilise par ailleurs des intrants ayant un impact sur la qualité de l’eau.

On assiste ainsi à une privatisation de l’eau pour le bénéfice de seulement 6 % des agriculteurs de la zone concernée. En effet, la construction des bassines est financée à plus de 70 % par de l’argent public, notamment par l’Agence de l’Eau, elle-même en partie financée par une taxe prélevée sur les factures des usagèr·es de l’eau.

Ces bassines se multiplient en Poitou-Charentes, dans le Berry et partout en France. Les différents projets de bassines sont recensés sur une carte qui est disponible en ligne.

La mobilisation contre les méga-bassines

Bassines Non merci (BNM) est un collectif citoyen, regroupant des particuliers, des associations, des syndicats et des partis politiques. Depuis sa création, il lutte sur différents fronts : juridique (en menant des recours), politique (en participant par exemple aux commissions d’enquêtes parlementaires), et par des mobilisations citoyennes.

BNM a reçu le soutien des Soulèvements de la Terre. Les Soulèvements de la Terre est « une tentative de construire un réseau de luttes locales tout en impulsant un mouvement de résistance et de redistribution foncière à plus large échelle [1] ». En lien avec les luttes locales, ils organisent des manifestations de masse, en appelant à venir de tout le territoire.

Ces deux collectifs ont organisé les grandes manifestations qui ont eu lieu depuis 2022 mobilisant de plus en plus de manifestant.es. Après une première manifestation le 16 septembre 2021, 3000 personnes se sont retrouvées à Mauzé sur le Mignon le 6 novembre ; à l’issue de cette journée les manifestant·es ont démonté une pompe et débâché une bassine.

Puis le 26 mars 2022, 7000 personnes ont manifesté à la Rochenard, avec un prélèvement de plusieurs sorties d’eau du réseau de pompage de la bassine en projet à Epannes.

La bataille de Sainte- Soline

La bassine en construction à Sainte-Soline a un volume de 730 000 m3 ce qui suppose un remplissage de plus de 60 jours au rythme de 520 m3/h. Autrement dit un projet gigantesque. Un appel avait été lancé pour organiser une manifestation 3 semaines après le début des travaux. La date a alors été fixée pour le 29 octobre.

Une manifestation a été déclarée par Solidaires 79 et CGT 79 mais interdite par la préfecture. Malgré une interdiction de circuler sur les routes avoisinantes, dès le vendredi, des centaines de personnes convergeaient sur le camp, situé sur un pré qui avait été prêté par un paysan, anciennement favorable aux bassines, et maintenant participant actif à la lutte.

Le samedi plus de 8000 personnes se répartissaient en trois cortèges et se dirigeaient vers la bassine en travaux : le blanc, comprenant notamment des élu·es ira tout droit, le vert passera par l’ouest, et le rouge passera par l’est. Le cortège rouge arrivera le premier, abattant les grilles du chantier.

Les cortèges ont progressé en jouant au chat et à la souris avec les 1700 gendarmes utilisant LBD et grenades de désencerclement. 6 hélicoptères ont quadrillé la zone tout le week-end. Le dimanche une nouvelle action a eu lieu, une canalisation du réseau d’alimentation des bassines a été démontée.

L’objectif a été atteint, en utilisant la diversité des tactiques. Mais on compte de nombreux blessés, certains atteints au visage par des LBD. Des personnes ont été interpellées au hasard ; elles sont passées en procès le 28 novembre et ont été condamnées à des peines de prison avec sursis. Il a été fait appel.

Quant à la mobilisation, elle se poursuit : une nouvelle manifestation est annoncée pour le 25 mars dans le Poitou !

Gilles Sabatier

Carte en ligne des projets de bassines : https://bassinesnonmerci.fr/

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