Pour DES prix différenciés du carbone à la COP21

vendredi 20 novembre 2015, par Gaël Giraud *, Alain Granjean *, Benoît Leguet *

Si, suite à la COP 21, aucune perspective de mise en œuvre élargie d’un signal prix carbone n’était ouverte, nous serions déçus. Nous savons que la mise en place de prix du carbone est une condition nécessaire – mais loin d’être suffisante - pour que les agents économiques agissent en vue de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Reste à savoir comment atteindre un tel objectif dans le contexte actuel.

Si, suite à la COP 21, aucune perspective de mise en œuvre élargie d’un signal prix carbone n’était ouverte, nous serions déçus. Nous savons que la mise en place de prix du carbone est une condition nécessaire – mais loin d’être suffisante – pour que les agents économiques agissent en vue de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Reste à savoir comment atteindre un tel objectif dans le contexte actuel.

Le prix unique du carbone : une vraie mauvaise idée

À quelques semaines de la COP 21 à Paris, resurgit une vieille idée : pour régler la question climatique, il suffirait que soit établi un prix unique mondial du carbone, par exemple grâce à la mise en place d’un marché mondial des droits à polluer. Ce mécanisme pourrait être accompagné de sanctions pour les pays réfractaires et de transferts entre pays très pollueurs et moins pollueurs.

La naïveté d’une telle « solution » ferait sourire si elle n’était pas tout simplement contre-productive pour l’obtention d’un accord international efficace et ambitieux en décembre prochain. Le prix unique du carbone est en effet est vraie mauvaise idée. Sa mise en place exige tout d’abord un accord unanime qui, tous les acteurs ayant participé aux négociations le reconnaissent, est actuellement hors d’atteinte, que ce soit à la COP 21 ou lors des prochains rendez-vous de la communauté internationale. À moins, bien sûr, que celle-ci ne s’aligne sur les moins-disants en terme de prix du carbone. Aujourd’hui, ces derniers affichent des prix du carbone négatifs à travers les subventions aux énergies fossiles. Est-ce la voie vers un accord ambitieux ?

Ensuite, quand bien même on parviendrait par extraordinaire à mettre d’accord Chinois, Brésiliens, Allemands et Maliens sur un prix unique, serait-ce une bonne chose ? Qui peut croire que le « bon » niveau d’incitation soit le même dans chacun de ces pays, pour chaque secteur industriel et agricole ? Même les économistes du Fonds monétaire international – parfois décriés comme les chantres du one size fits all (« une même pointure pour tous ») – n’y croient pas : un rapport publié en septembre 2014 établissait que des prix du carbone différenciés par pays apporteraient plus de bénéfices à l’économie mondiale qu’un prix unique. La transition vers des économies décarbonées exige, de fait, des traitements différenciés, qui dépendent de la structure du secteur considéré et du contexte national. Et il y va, en règle générale, de l’intérêt d’un pays de mettre en place un prix du carbone spécifique : non pas tant pour réduire les émissions de CO2 que, par exemple, pour atténuer les pollutions liées à l’utilisation de combustibles fossiles (particules, NOX, SOX…) qui impactent négativement la santé des populations dudit pays. C’est cette complexité du réel que la solution simpliste du “prix unique” ne veut pas envisager. De sorte qu’elle passe tout simplement à côté du sujet.

Un corridor carbone dans des dispositifs d’ensemble

Inversement, a-t-on une quelconque assurance que d’autres dispositifs peuvent se révéler efficaces ? Oui : la Suède en est le meilleur exemple. C’est par un ensemble d’instruments complémentaires – contraintes légales, sobriété voulue par les citoyens, programmes d’investissement public dans les infrastructures vertes ou la rénovation thermique des bâtiments, et… une taxe carbone – qu’elle est devenue exemplaire. Une combinaison pragmatique d’instruments, dont le signal prix du carbone n’est qu’un aspect, a donc déjà fait ses preuves.

Dès lors, il nous semble dangereux de viser un objectif politiquement inatteignable et économiquement inadapté. D’autant plus que la question du prix du carbone ne fait pas partie stricto sensu du mandat des négociateurs rassemblés pour la COP 21. Le meilleur résultat qu’on puisse obtenir à Paris sur ce terrain serait qu’à côté de l’accord onusien une coalition d’acteurs (pays, collectivités territoriales, entreprises) s’engage sur la mise en place d’un « corridor de prix » du carbone, passant par exemple de 20-30 dollars en 2020 à 80-100 dollars en 2030. À charge des signataires de choisir les trajectoires de prix auxquelles ils souhaitent se soumettre et de déterminer les politiques appropriées pour mettre en place ces trajectoires.

Le résultat ? Un patchwork mondial de prix du carbone, avec des niveaux de prix différenciés augmentant dans le temps. Ce processus est déjà à l’œuvre dans les grandes lignes depuis une dizaine d’années, notamment en Europe, en Chine et en Amérique du Nord. Comparé à un prix unique, un tel faisceau de prix améliorera le « bien-être » mondial. Il dégradera peut-être celui d’une poignée d’économistes favorables au tout-marché ? Cela nous semble un moindre mal.

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