Projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale : un coupable aveuglement austéritaire

mercredi 27 septembre 2023, par Attac France

Le gouvernement vient de dévoiler le contenu du projet de loi de finances et de celui sur le financement de la sécurité sociale pour 2024. Ils n’ont pas de quoi surprendre et plutôt de quoi inquiéter. Avec cette orientation budgétaire et cette politique fiscale, l’action publique ne pourra en effet pas répondre aux défis de la période.

Dans la période, les besoins de financement sont en effet importants et inédits.

  • En matière de transition écologique, les estimations des besoins annuels de financement supplémentaire vont de 14 milliards d’euros (Institut pour le climat) à 66 milliards d’euros (rapport Pisani-Mahfouz pour France stratégie) voire 100 milliards d’euros (Ademe). Si ces estimations ne concernent certes pas les seules finances publiques, tous les travaux s’accordent toutefois pour dire que les politiques publiques doivent jouer un rôle majeur face à la recherche du profit à court terme des acteurs privés. Précision étant apportée que, ces estimations ne prennent pas en compte la préservation de la biodiversité et celle des puits carbone naturels. Les 7 milliards d’euros supplémentaires annoncés par le gouvernement sont notoirement insuffisants. La transition écologique paie le prix de l’austérité.
  • En matière de politique sociale, le maintien d’un taux de pauvreté élevé à 14 %, le taux record (également à 14 %) de taux de privation matérielle et les travaux alarmants de la fondation Abbé Pierre sur l’impact de l’inflation sur la pauvreté attestent du besoin d’une politique sociale volontariste. La dégradation du « pouvoir d’achat » des ménages touche plus largement une grande partie de la population, qui a vu les prix de l’alimentaire s’envoler de 14,5 % en un an selon l’INSEE. Là aussi, la justice sociale est sacrifiée au nom de l’austérité.
  • La dégradation et le recul des services publics, régulièrement dénoncés par le Défenseur des droits, pénalisent une grande partie de la population qui se sent délaissée et affaiblissent les principes du service public (l’égalité d’accès par exemple). De l’éducation nationale aux administrations économiques, fiscales et douanières en passant par la santé, nombreux sont les services publics touchés.

Pour financer ces besoins dans un contexte d’inflation élevée, plusieurs propositions étaient et demeurent « sur la table ».

  • Alors que se profile une nouvelle vague de superprofits et de superdividendes, l’instauration d’une taxe sur les superprofits (tous secteurs confondus) permettrait tout à la fois de dégager rapidement des recettes substantielles (évaluées par l’Alliance écologique et sociale entre 10 et 20 milliards d’euros) et d’inciter les grandes entreprises à baisser leur taux de marge, ce qui permettrait de faire baisser l’inflation, largement nourrie pas ces mêmes superprofits. Dans le droit fil, il faut imposer les revenus financiers au barème progressif de l’impôt sur le revenu, quitte à prévoir un mécanisme favorisant l’investissement de long terme, dans la bifurcation écologique par exemple. Mettre ainsi fin au prélèvement forfaitaire unique dégagerait 2 milliards d’euros a minima. Les 600 millions d’euros que le gouvernement estimer pouvoir dégager grâce à la taxe sur les concessions autoroutières et les grands aéroports pèsent donc peu, d’autant que le groupe Vinci a déjà annoncé qu’il la répercuterait dans les prix au péage...
  • Le rapport de France stratégie propose diverses solutions, dont l’instauration d’un impôt sur la fortune par exemple. Plusieurs députés européens ont par ailleurs lancé une pétition pour qu’une directive prévoit un tel impôt au sein de l’Union européenne. Pour sa part, Attac porte de nombreuses propositions de justice fiscale et demande notamment la création d’un véritable impôt sur la fortune assis sur une assiette large (actifs financiers, mobiliers et immobiliers) qui pourrait dégager environ 10 milliards d’euros, et davantage si l’on intègre la fortune logée dans les structures de type « holdings familiales ».

À elles seules, ces mesures ne suffiraient sans doute pas à financer l’intégralité des besoins. Néanmoins, en rapportant a minima 22 à 32 milliards d’euros dés 2024 si elles étaient mises en œuvre, elles auraient deux vertus : renforcer le consentement à l’impôt grâce à un effort financier mieux réparti et donner davantage de moyens à l’action publique, seule à même de penser le long terme et d’impulser une véritable réorientation.

Ces projets de lois confirment hélas l’obsession de l’austérité comme seule boussole du pouvoir, alors que la demande de justice fiscale, sociale et écologiques est particulièrement importante. Le gouvernement n’en a cure. Il s’arc-boute et campe désespérément sur ses positions : tout pour la politique de l’offre et la pression sur les finances publiques, en vantant une « planification écologique » qui recycle des décisions antérieures, n’annonce aucun changement de fond et s’en remet finalement au libre jeu des acteurs économiques. Le PLF et le PLFSS pour 2024 s’inscrivent dans une trajectoire budgétaire sidérante prévue par la loi de programmation de finances (rejetée depuis un an mais passée dans une session extraordinaire taillée « sur mesure » pour utiliser le 49-3).

Malgré les besoins, les plus riches et les grandes entreprises restent donc préservés, tandis que la baisse des dépenses publiques aux accents d’austérité pénalisera l’immense majorité de la population et des PME. Le projet de loi de finances 2024 a ainsi beau adapter la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), désormais prévue pour 2027, le cap néolibéral est maintenu. Le pouvoir ne pourra pas non plus vanter l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu qui est une pratique ancienne ni le prolongement de dispositifs existants (le prêt à taux zéro) justifié par la hausse des taux d’intérêt. Tout au plus pourra-t-on relever une avancée dans le contrôle des prix de transfert qui s’inscrit plus largement dans un travail mené au sein de l’Union européenne. L’efficacité de ces mesures est toutefois subordonnée à une condition : que l’administration fiscale ait les moyens de les mettre en œuvre et d’en contrôler le respect. Le « plan anti-fraude » du gouvernement prévoit certes un redéploiement interne aux services de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), mais celle-ci continue de perdre des emplois : la hausse des effectifs de certains services du contrôle fiscal s’effectuera donc au détriment d’autres services de la DGFiP. On reste bien loin de combler les 3.000 à 4.000 emplois que les services de contrôle ont perdu depuis la fin des années 2000.

Cette pression austéritaire s’exerce sur l’ensemble des finances publique, d’État, sociales et locales. Alors que le financement de la Sécurité sociale et celui des collectivités locales sont marqués par une grande complexité et une part prépondérante de l’État, celui-ci veut désormais leur imposer de participer plus activement qu’auparavant à l’austérité budgétaire.

Les finances sociales sont ainsi de nouveau mises à contribution : la progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), loin des attentes du secteur et des besoins réels, ralentirait sérieusement : après 3,7 % en 2023 (avec une inflation à 5,8 % prévue pour 2023), elle serait de 3,2 % en 2024, 3 % en 2025 puis de 2,9 % en 2026 et en 2027. Un renforcement des contrôles est également prévu pour réduire les arrêts maladie avec là aussi pour seul souci les économies budgétaires.

S’agissant des collectivités locales, qui réalisent plus de la moitié des investissements publics (55 % en 2019), leurs ressources fiscales en lien avec une base territoriale sont désormais très minoritaires. Le pouvoir a beau annoncer un abondement de 220 millions d’euros de la dotation globale de fonctionnement aux communes et aux intercommunalités, ce montant bien faible est vivement dénoncé par les élus locaux, le comité des finances locales allant à dénoncer l’étouffement des collectivités locales. Le cœur du sujet est en effet ailleurs : le gouvernement veut entraîner les collectivités locales dans sa « revue des dépenses » lancée au niveau national dont l’objectif est de pressuriser les finances publiques.

Ces projets de loi confirment une orientation à contresens des besoins et de l’histoire, injustes socialement, contre-productifs économiquement et inefficaces en matière écologique.

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