Les impasses et impostures du sommet pour un nouveau pacte financier mondial

mercredi 21 juin 2023, par Attac France

Derrière les beaux discours et les déclarations pleine d’emphase, le sommet pour un nouveau pacte financier mondial, organisé ces prochains jours par Emmanuel Macron à Paris, apparaît surtout comme un sommet du Greenwashing et de l’imposture climatique. Voici notre analyse sur les enjeux qu’il soulève.

Les 22 et 23 juin se tient à Paris le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui avait été appelé des vœux d’Emmanuel Macron et de Mia Mottley, la première ministre de la Barbade, lors de la dernière conférence climatique des Nations unies (COP27) en novembre 2022.

Sur le papier, cette initiative se donne pour vocation de rassembler de nombreux gouvernements et représentants du secteur privé à Paris pour discuter des financements à destination des pays les moins avancés et des pays les plus vulnérables au changement climatique.

Nombre de ces pays subissent de plein fouet une crise multiple dans un contexte post-pandémie : une crise budgétaire liée aux difficultés économiques mondiales et à la hausse des taux directeurs des grandes banques centrales, qui se traduit par un surendettement chronique de nombreux pays à faible revenu. Selon un rapport des Nations unies, en novembre 2022, deux tiers de ces pays étaient soit à haut risque soit déjà en situation de surendettement. Au point de faire resurgir la menace d’une crise de la dette des pays du Sud.

Aux difficultés budgétaires majeures de ces pays s’ajoute la menace du réchauffement climatique qui affecte déjà de nombreux pays à faible revenu, alors même qu’ils ne disposent pas de marges de manœuvre budgétaire pour y faire face.

Le sommet organisé par Emmanuel Macron s’inscrit dans ce contexte, et se présente comme un lieu de discussion pour faire face à ces enjeux. Pourtant loin des grands discours, ce sommet apparaît surtout comme un sommet du greenwashing et de l’imposture climatique.

Des solutions de marché pour lutter contre le changement climatique

Sous prétexte d’apporter des financements et des marges de manœuvre aux pays en difficulté, ce sommet met en avant des solutions de marché à la crise climatique qui vont davantage renforcer le pouvoir des institutions financières et des créanciers.

Le sommet met l’accent sur l’implication et le rôle du secteur privé dans la lutte contre le changement climatique. Il s’agit ainsi de mettre en place des instruments pour « dérisquer » (sur fonds publics) le financement des entreprises dans les pays en difficulté pour les fonds d’investissement et investisseurs des pays du Nord. Il s’agit également d’accroître le financement par les fonds d’investissement des « infrastructures vertes » dans les pays du Sud, à travers de nouveaux instruments financiers ou l’apport de fonds publics. Deux des quatre groupes de travail du sommet sont dédiés à ces questions.

Le sommet aborde également la question de la dette des pays du Sud, dont certains font face à un surendettement qui asphyxie les budgets publics et empêche toute politique d’adaptation au changement climatique. Mais les propositions abordées se refusent à remettre en question un système inique d’endettement qui organise le transfert continu de ressources du Sud vers le Nord, exacerbant la pauvreté et les inégalités. Comme le souligne le CADTM, « Depuis 1980, les pays du Sud ont remboursé 18 fois ce qu’ils devaient en 1980 mais dans le même temps, leur niveau d’endettement a été multiplié par plus de 12 » [1].

Une série d’innovations et de nouvelles clauses sont censées aménager le carcan de la dette pour les pays les plus touchés : clauses de catastrophes permettant d’alléger le poids des remboursements, nouveaux instruments de dette (debt for climate swaps) prévoyant un aménagement du poids de la dette en échange d’investissements « verts » et d’une forme de financiarisation des ressources naturelles. Toutes ces mesures prévoient de recourir à des prêts, donc accroître l’endettement des pays du Sud, pour leur apporter des marges budgétaires.

Le sommet n’aborde pas la question de la fin du financement des énergies fossiles ou de la transition énergétique, ni la question de la taxation des entreprises pétrolières. Il n’évoque pas non plus le financement du fond sur les pertes et dommages (loss and damage fund) décidé lors de la COP27.

Des propositions de nouvelles taxes internationales ont certes été avancées, comme la taxe carbone sur le transport maritime ou la taxe sur les transactions financières mais à défaut de réelles négociations et d’une véritable volonté politique, elles risquent de s’avérer de simples effets d’annonce sans réelle ambition.

Alors même qu’il faudrait un changement de paradigme en matière de financement de la lutte contre le changement climatique pour permettre aux pays du Sud de faire face aux urgences, le sommet s’en tient ainsi à des effets de manche ou à des mécanismes de marché : rien qui soit à la hauteur des enjeux.

A l’inverse, ce sont des annulations massives de dettes qui sont nécessaires ainsi que des financements directs pour permettre aux pays du Sud de faire face au changement climatique (adaptation mais aussi réparations).

Des mesures pour lutter contre l’évasion fiscale doivent être mises en œuvre pour permettre à ces pays de dégager des marges de manœuvre budgétaire, en empêchant les fuites de capitaux. Cela pourrait passer par un échange automatique d’information, sans exemption, réciproque et multilatéral, un registre mondial des sociétés écran, un cadastre financier mondial...

La remise en cause des traités de libre-échange et des traités d’investissement permettrait de mettre un coup d’arrêt au pillage des pays les plus pauvres par les multinationales.

Enfin il est nécessaire d’en finir avec les effets d’annonce sur les taxes internationales. Une taxe sur les transactions financières ou une taxe carbone ambitieuses pourront abonder les fonds à destination des pays les plus vulnérables au changement climatiques (comme le fond de pertes et dommages).

De manière générale, la taxation des pollueurs doit être un principe de base pour générer de nouveaux financements et le financement des projets fossiles doit être interdit.

Un sommet illégitime

Le sommet pour un nouveau pacte financier mondial est par ailleurs un sommet illégitime qui exclut de la prise de décisions les pays du Sud et les organisations de la société civile. Leur participation effective dans la programmation du sommet et les groupes de travail a été minimale. Pour certaines ONG, la mise en place de ces groupes de travail ne serait qu’un moyen de légitimer des conclusion écrites d’avance.

Ce sommet, qui se donne les apparences d’une prise en considération des voix du Sud, va en réalité consacrer les décisions prises entre gouvernements des pays les plus riches et les représentants du secteur privé. Il laisse encore moins de place pour la société civile et les pays du Sud que les conférences climat de l’ONU.

Il apparaît en définitive comme une opération de greenwashing à grande échelle, lancée opportunément par un Emmanuel Macron souhaitant « repeindre en vert » son image et se faire passer pour un héraut du climat sur la scène internationale.

Son seul horizon est de persévérer dans des orientations délétères - inaction climatique, solutions de marché - qui n’apportent aucune solution à l’urgence climatique à laquelle sont confrontés en première ligne les pays du Sud, sans jamais remettre en cause la logique même d’un modèle destructeur pour les peuples et la planète.

D’autres orientations sont pourtant possibles et nécessaires, pour changer de paradigme en matière de financement des urgences climatiques.

Le Climate Action Network propose sept principes pour une transformation du système financier :
- inverser le flux de richesse des pays en développement vers les pays à revenu élevé ;
- abonder les fonds destinés aux pays en développement pour faire face à la crise climatique ;
- supprimer progressivement le financement des combustibles fossiles ;
- démanteler les institutions financières internationales d’inspiration néocoloniale et créer des institutions démocratiques et transparentes fondées sur les droits des personnes ;
- annuler les dettes injustes ;
- mettre en place une véritable justice fiscale, sur le principe pollueur-payeur ;
- veiller à ce que l’ensemble du financement de la lutte contre le changement climatique bénéficie aux pays et communautés vulnérables face au changement climatique.

La réforme de l’architecture financière mondiale, appelée des vœux du G77 et les mouvements pour la justice Nord/Sud, constitue une autre piste intéressante, ainsi que la mise en œuvre de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU de novembre 2022, proposée par les représentants africains de 54 pays pour une coopération et une convention fiscale internationales.

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