Urgence climatique, justice sociale, c’est toujours de saison !

vendredi 24 septembre 2010, par Attac France

Les transformations exigées par la crise climatique et la crise écologique en général supposent une véritable mobilisation des sociétés, du niveau local au niveau global. Les enjeux et conflits d’intérêt sont tels qu’une mobilisation populaire est nécessaire pour répondre aux menaces de destruction des écosystèmes et d’épuisement des ressources non-renouvelables, faire valoir la justice sociale et permettre des transitions démocratiques vers des modèles de production et de consommation sobres en énergie et écologiquement et socialement soutenables .

Le changement climatique ne peut être dissocié de la crise écologique globale ; il ne peut être dissocié non plus des responsabilités d’un modèle de production et d’accumulation des richesses qui saccage en même temps les activités humaines et la nature, épuise les ressources, engendre des conflits et des guerres pour leur accaparement et nie les droits élémentaires des peuples. Le mouvement pour la justice écologique croise les engagements d’Attac et ceux du mouvement altermondialiste : financiarisation des sociétés, marchés du carbone, privatisation des biens communs naturels (eau, semences, terres, forêts, biodiversité), rôle des firmes transnationales et des institutions financières (Banque mondiale en particulier), impact de la libéralisation des échanges avec l’OMC (souveraineté alimentaire, souveraineté énergétique, brevets sur les technologies vertes, explosion des transports), dette écologique et solidarité Nord-Sud. Depuis le Forum social mondial de Belém en 2009, ces convergences sont explicites. Elles se poursuivront pour le Forum social mondial de Dakar en 2010. Au niveau local, elles s’expriment dans les recherches de convergence entre les mouvements sociaux et les mouvements écologistes, dans de multiples résistances (aéroport de Notre-Dame-des-Landes, projets autoroutiers, traitement des déchets, refus des OGM en plein champ, refus de complexes commerciaux, promotion des transports publics) et dans la construction d’alternatives concrètes : élaboration de plans climat, circuits courts et slow food , villes en transition, plans énergétiques, municipalisation de l’eau, contrôle du foncier, production d’énergies renouvelables, agriculture paysanne, habitat coopératif, etc. Les négociations climatiques, dans le cadre de l’ONU, sont un moment pour faire pression sur les États, à partir d’expériences locales, de projets alternatifs et de propositions globales. Tel est le sens de l’engagement d’Attac. Le sommet des Nations unies à Cancún en décembre 2010, après l’échec de Copenhague et la campagne de délégitimation de l’ONU au profit du G20 ou du groupe des grands pays émetteurs (créé sous la présidence de George W. Bush), les attaques contre le GIEC par des climato-négationnistes, semblait condamné à entériner l’inaction et le déni de justice écologique. Mais le sommet des peuples pour la justice climatique de Cochabamba, en avril 2010, a permis que les questions de justice climatique, absentes de l’accord de Copenhague, figurent à nouveau à l’agenda des Nations unies. Nous serons à Cancún, pour suivre les négociations onusiennes et participer au contre-sommet des mouvements sociaux et nous mettrons notre énergie pour que, en France et en Europe, le mot d’ordre de la Via Campesina, « Pour 1000 Cancún dans le monde », devienne réalité.

Les dates clés et les échéances
% Du 29 novembre au 12 décembre, la Conférence des Parties de la Convention des Nations unies sur le changement climatique se tiendra à Cancún (Mexique). Les mouvements sociaux et citoyens organisent plusieurs forums et espaces alternatifs où pourront se retrouver toutes les organisations et les activistes du monde qui veulent, ensemble, renforcer le mouvement de construction des résistances et des alternatives au productivisme. La Via Campesina a lancé un appel international pour Mille Cancún à travers le monde et Attac entend bien, avec ses partenaires (associations écologistes, syndicats, organisations de défense des droits...) appuyer l’organisation d’initiatives nationales et locales qui s’inséreront dans cet appel.
% Le Forum social mondial de Dakar, du 6 au 11 février 2011, devrait également être un moment clé pour approfondir la construction des réseaux internationaux qui luttent en faveur de la justice climatique, principalement le réseau Climate Justice Now !, dont Attac est un des animateurs. CJN ! avait joué un rôle clé dans l’animation et la coordination des mobilisations citoyennes à Copenhague, et souhaite maintenant consolider son action et développer son ancrage, en particulier en Afrique. Les comités locaux et les militants qui ne pourront être présents à Dakar peuvent organiser des initiatives et des actions pour relayer l’événement dans leur ville, région, localité... notamment sous la forme de forums locaux. Les militants qui se rendront à Dakar et souhaitent travailler dans le cadre de la délégation Attac sont invités à nous contacter.
% Le G20 de France en novembre 2011 : il précédera la COP 17 (infra) et sera à ce titre un moment de négociations préparatoires entre les pays les plus riches : ceux-ci tendent en effet à utiliser les G8 et G20 pour se réunir en « Forum des économies majeures », qui sert d’arène préparatoire aux négociations climatiques. Nous devrons donc intégrer la justice climatique dans les revendications que nous porterons lors des mobilisations, nationales comme locales. % Fin novembre début décembre 2011 aura lieu la 17e Conférence des Parties de la CNUCC, à Johannesburg (Afrique du Sud) et nous savons déjà que c’est lors de celle-ci que les décisions importantes seront prises quant à la possibilité d’engager une seconde phase de Kyoto sous la forme d’un traité international contraignant. Ce sera donc un moment de mobilisation très fort pour le mouvement en faveur de la justice climatique, probablement du niveau d’importance de Copenhague.
% Le 6e Forum mondial de l’eau doit se tenir en mars 2012 à Marseille, et ce peut être également un moment de mobilisation important car il devrait intégrer des composantes qui regardent très directement la justice écologique, en particulier les impacts des dérèglements climatiques sur l’accès à l’eau pour les populations, pour l’agriculture familiale ou encore pour préserver la biodiversité. Les comités locaux d’Attac et le réseau européen Aquattac seront très actifs dans la préparation du Sommet citoyen qui se tiendra en parallèle au sommet officiel, qui promeut ordinairement des modes privatisés de gestion des ressources en eau, et qui laisse un espace démesuré aux multinationales du secteur.
% Enfin le Sommet de la Terre, ou « Rio+20 » doit avoir lieu à Rio de Janeiro en mai 2012. Vingt ans après le premier Sommet de la Terre, celui ci souhaite remobiliser la communauté internationale, en particulier les responsables politiques, des engagements pris entre 1972 (Conférence de Stockholm et Rapport Bruntland) et 2002 (Rio+10 et Déclaration de Johannesburg) pour garantir un développement soutenable pour la population mondiale mais aussi les générations futures tout en préservant les ressources naturelles et les écosystèmes. Les associations de défense de l’environnement, les ONG, les mouvements de citoyens luttant pour le respect de leurs cadres de vie sont déjà mobilisés en prévision de ce sommet, à la fois pour en être observateurs mais également pour qu’il devienne un moment d’information et de sensibilisation de tous les citoyens.

Bilan de « l’accord » du sommet de Copenhague en décembre 2009

Le texte issu du sommet de Copenhague n’a pas valeur d’accord international. Il a été signé par seulement 120 pays (sur 192) ; c’est un texte non contraignant pour les pays industriels et la Conférence des parties a seulement « pris note » de cet accord. L’essentiel du texte consiste en :
-  un objectif de réchauffement climatique de +2° C maximum (sans échéance),
-  aucun engagement en matière de réduction des émissions d’ici 2020 ou 2030, les pays « déclarent » leurs objectifs,
-  le financement de l’adaptation au changement climatique et de la réduction des émissions : les pays industriels s’engagent à mobiliser de nouvelles ressources financières, 10 milliards de dollars par an (soit 30 milliards entre 2010 et 2012), pour arriver à 100 milliards en 2020. Reste en suspens la gestion du Fonds climat.
-  des dispositions sur la déforestation et le programme REDD et REDD+. L’échec le plus patent, contenu dans cet accord, est indiqué par les déclarations de réduction des émissions pour 2020 formulées fin janvier 2010 : l’Union européenne ne semble pas déterminée à aller au-delà des 20 % de réduction par rapport à 1990, les États-Unis ont déclaré un objectif de 17 % de réduction par rapport à 2005 (ce qui équivaut à 4 % par rapport à 1990), etc. Tout calcul fait, cela équivaut à une réduction maximale de 13 % par rapport à 1990, soit une augmentation de la température de 3 à 4° C en 2050. Les recommandations du GIEC (rapport 2007) mentionnaient l’objectif nécessaire d’une diminution de 25 % à 40 % dans les pays industriels. Des études scientifiques plus récentes confirment ces objectifs et les considèrent comme des objectifs minima. Pour le financement, outre l’insuffisance des fonds prévus (selon des calculs du PNUE et du PNUD, 500 milliards par an seraient nécessaires, 750 milliards par an selon le rapport Stern), les modes de gestion de ces fonds et leur attribution ne sont toujours pas déterminés. C’est par le développement des marchés du carbone qu’ils pourraient être levés ou par l’utilisation de l’aide publique au développement. Enfin, le volet « adaptation » est insuffisant : les inondations au Pakistan (et aussi en Inde et en Chine) laissent entrevoir les conséquences humaines, sociales et politiques d’un non-engagement en matière d’adaptation.

En marche vers Cancún, décembre 2010

Quel est l’état des négociations en vue de la seizième conférence des parties à Cancún ? Les pays industriels voudraient aller vers un seul texte sur la base de l’accord de Copenhague, d’autant que selon une interprétation qui leur est propre, le protocole de Kyoto, contraignant pour eux, prend fin en 2012. L’Union européenne s’est déclarée plutôt favorable à un seul texte mais accepterait la poursuite des engagements du protocole après 2012, sachant que la Convention sur le changement climatique (signée, elle, par l’ensemble des parties) prévoit aussi des engagements pour les pays industriels. C’est une position intermédiaire qui se traduit dans les moments clés par l’alignement sur les positions des États-Unis, du Canada, de l’Australie... Les pays du Sud, regroupés dans le G77 plus la Chine, avec des nuances et des intérêts parfois divergents, se référent au protocole de Kyoto, même s’il est insuffisant : ils considèrent qu’en 2012 s’achève la première phase et qu’il s’agit d’en négocier la deuxième phase, sur la base du protocole et des connaissances scientifiques : responsabilité commune mais différenciée, reconnaissance de la responsabilité historique des pays industriels, accord contraignant. Ils continuent à demander la poursuite des deux lignes de négociations, autour des deux groupes : AWG-KP (ad hoc working group on Kyoto Protocol, qui comprend les parties qui ont signé le protocole de Kyoto) et AWG-LCA (long term cooperative action), qui contient toutes les parties de la convention sur le changement climatique (CNUCC). La dernière rencontre à Bonn a permis d’aboutir, malgré l’opposition des États-Unis, à un texte qui serait la base de la négociation, dans lequel les propositions de l’ensemble des parties figurent (et pas seulement celles qui ont signé le texte de Copenhague). Cela signifie une relance du processus onusien. Ce texte contient des options différentes, beaucoup de parties entre crochets (pour lesquelles il y a désaccord) mais c’est un texte de négociation entre toutes les parties de la conférence des Nations unies. La Bolivie a obtenu que les propositions issues du sommet des peuples de Cochabamba soient prises en compte. Au-delà des propositions, l’important est la relance d’un processus de négociation engageant l’ensemble des parties dans le cadre de l’ONU. Pour l’Union européenne, la relance des négociations sur ces bases est un pas en arrière : elle avait emboîté le pas des USA et d’autres pays industriels pour dire que l’ONU n’était peut-être pas la structure adaptée pour les négociations climatiques. Le blocage par le sénat américain de la loi sur les réductions des émissions est un argument utilisé pour dire qu’à Cancún un accord contraignant est impossible. Ce sont des points qui ont avancé à Copenhague et qui seront sur la table à Cancún.

La mobilisation pour Cancún Du 29 novembre au 10 décembre, la conférence de l’ONU, le « COP 16 », se tiendra dans la péninsule du Yucatán à l’extrême sud-est du Mexique, à proximité de Cancún. Prévu initialement pour ce tenir à Mexico le sommet a été déplacé, par crainte de manifestations à l’image de celles de Copenhague, d’abord à Cancún, où la zone des hôtels touristiques peut être facilement isolée, puis plus loin encore, dans un complexe hôtelier de luxe le « Moon Palace » situé à 60 km de Cancún. Malgré les difficultés logistiques, l’enthousiasme militant est très fort au Mexique, où, dès le printemps 2010, des premières réunions se sont tenues pour discuter du cadre de mobilisation pour Cancún. Un rassemblement très large s’est créé, « l’espace mexicain de dialogue climatique », comprenant des ONG et mouvements liés à des organisations internationales, comme Greenpeace, des coalitions déjà existantes, comme le RMALC, qui lutte contre les accords de libre-échange, et de nombreux groupes et organisations nationales et locales, le plus souvent actives sur le terrain environnemental. Si ce rassemblement n’a pas encore de plate-forme ni de définition très précise, il a le mérite de regrouper l’essentiel des forces militantes qui se mobilisent pour Cancún. En parallèle, un des principaux mouvements paysans du Mexique, l’UNORCA, membre de la Via Campesina, a lancé un appel aux mouvements sociaux. Citons enfin un groupe de militants de bases, qui essaient de mettre un place un « Klimaforum10 », à l’image de ce qu’on fait les mouvements danois qui avaient mis en place le Klimaforum à Copenhague. Ces initiatives mexicaines sont relayées par les militants des Amériques, au Sud où la mobilisation a été au cœur des discussions du Forum social américain qui s’est tenu à Asuncion, au Paraguay, pendant la deuxième quinzaine d’août, mais aussi aux États-Unis, où une coalition pour la justice climatique s’est créée pendant le Forum social des États, en juin à Détroit. En Europe et en France, des initiatives sont en préparation dans différentes villes et régions. Ce sera une des priorités d’Attac.

Mouvement altermondialiste et « justice climatique »

Copenhague, en décembre 2009, a permis à plus de 100 000 manifestants – très jeunes pour la plupart – d’exprimer leur indignation face à l’incapacité des grands pays à prendre les décisions nécessaires pour sauver le climat et faire respecter la « justice climatique ». Quatre mois plus tard, à Cochabamba, 30 000 militants se sont rassemblés pour adopter un « Appel des peuples » qui lie étroitement questions environnementales et climatiques et questions sociales. La similitude entre cette séquence, de Copenhague à Cochabamba, et celle qui a relié Seattle à Porto Alegre est évidente. Dans les deux cas, les ONG étaient les premières à se mobiliser sur les thématiques en cause, la dette des pays du Sud ou l’ouverture des marchés pour le mouvement altermondialiste, les questions climatiques pour Copenhague. Dans les deux cas, les mouvements sociaux ont commencé à s’investir sur ces terrains, de façon déterminée pour le mouvement paysan avec Via Campesina, de manière plus timide pour le mouvement syndical. Dans les deux cas enfin, une importante mobilisation de la jeunesse a marqué l’émergence de nouveaux mouvements. Du point de vue de la disposition des acteurs, Seattle et Porto Alegre d’un côté, Copenhague et Cochabamba de l’autre sont, en revanche, dans des situations très différentes. En s’opposant à l’OMC et au néolibéralisme, le mouvement altermondialiste se confrontait au point nodal du capitalisme contemporain : 1999, c’était l’époque de la « pensée unique » et du « consensus de Washington » qui ne voyaient aucune autre politique possible que celle de l’ouverture et de la libéralisation des marchés. Sur la question climatique, à l’inverse, les ONG et mouvements sociaux retrouvent à côté d’eux des acteurs décisif du système et du capitalisme. Face aux responsables politiques qui nient encore – à l’image de George W. Bush – la réalité du changement climatique et face aux secteurs industriels qui veulent préserver leurs activités et leurs profits dans des secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, on trouvera les mouvements, mais aussi des acteurs industriels qui veulent être les gagnants du « Capitalisme Vert » et des responsables politiques qui veulent que leur pays soient les hérauts de cette transformation. La difficulté tient à l’ampleur des défis posés par la crise climatique, mais aussi à la coexistence de trois approches différentes qui divisent tant les mouvements que les différents secteurs du capitalisme. La première de ces approches consiste à faire confiance aux marchés et à l’initiative individuelle et collective pour permettre l’éclosion d’une vague d’innovations techniques et économiques. La deuxième est étatique et technologique et s’appuie sur des grands projets dans des domaines tels que les transports, la construction de centrales nucléaires ou des programmes de stockage et enfouissement du carbone. La troisième approche s’appuiera sur les initiatives sociales : les initiatives d’habitants sur les transports ou l’énergie, les échanges directs entre producteurs et consommateurs pour relocaliser la production ou les campagnes pour étendre le champ des « biens communs » à la propriété intellectuelle sur les nouvelles technologies. Si personne ne se reconnaîtra dans une seule de ces trois approches, le poids à mettre sur telle ou telle, et en particulier sur les grands projets technologiques, sera un objet de controverse entre les mouvements. Autre différence entre mouvement altermondialiste et mouvement pour la « justice climatique » : la relation aux institutions internationales et l’appréciation des rapports Nord/Sud. À Seattle ou dans les Forum sociaux, là aussi les choix étaient simples : d’un côté l’OMC, outil du néolibéralisme, les entreprises multinationales et les pays du Nord ; de l’autre les pays du Sud, étranglés par la dette et contraints de subir les plans d’ajustement du FMI. Pas besoin de longs débats pour savoir de quel côté se situer ! À Copenhague et Cochabamba, première différence : c’est l’ONU qui est le cadre des négociations… Une ONU fragilisée par la place prise par le G8, le FMI, la Banque mondiale, l’OMC et, dans la dernière période, par le G20 et qui est, de ce fait, d’autant plus ouverte aux petits pays et à la participation de la « société civile ». La deuxième différence tient au décollage de certains des grands pays du Sud, à commencer par la Chine. En dix ans, les rapports de force mondiaux se sont transformés et la négociation de Copenhague en a été la démonstration éclatante. Le texte final a été écrit par les États-Unis et la Chine et avalisé par cinq pays, les mêmes plus le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud avant d’être présenté pour ratification finale à vingt-huit pays, dont l’Europe et le Japon. Une réalité qui demandera une discussion dans les mouvements sur les stratégies d’alliance : s’il allait de soi d’exiger la reconnaissance de la responsabilité historique des pays du Nord dans le réchauffement climatique, il sera difficile de soutenir sans débat le « groupe des 77 plus la Chine » ce qui reviendrait à mettre sur le même plan la Bolivie, qui a combattu – à juste titre – le texte final, et ceux qui ont été les protagonistes de son adoption ! Cette énumération de défis et problèmes à résoudre n’est pas exhaustive, et elle ne doit surtout pas être comprise comme une incitation à la résignation face à l’ampleur des tâches à accomplir. Elle est, au contraire, un encouragement à prendre à bras le corps des questions qui sont au cœur des préoccupations des militants et dont la prise en compte peut aider les mouvements sociaux et citoyens à redéfinir des orientations et des stratégies.

L’appel des peuples de Cochabamba Du 20 au 22 avril 2010, plus de 30 000 militants ont participé au « Sommet des peuples pour la justice climatique et les droits de la terre-mère » à Cochabamba, en Bolivie. Ce sommet a élaboré un appel dont voici quelques extraits choisis. « Le marché du carbone est devenu un commerce lucratif, faisant de notre Terre-Mère un article de commerce. Ce n’est donc pas une alternative valable pour faire face au changement climatique, puisqu’il pille et ravage la terre, l’eau et même la vie. … Il est inadmissible que les négociations en cours proposent la création de nouveaux dispositifs qui étendent et font la promotion du marché du carbone, alors que les dispositifs existants n’ont ni résolu le problème du changement climatique, ni conduit à des actions réelles et directes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre… Nous exigeons la création d’un Tribunal international pour la justice climatique et environnementale qui ait la capacité légale de prévenir, juger et pénaliser les États, l’industrie et les personnes qui, volontairement ou par omission, polluent ou provoquent le changement climatique. Il est donc essentiel de lancer un référendum mondial ou une consultation populaire sur le changement climatique par laquelle tou-te-s seront consultés en ce qui concerne les points suivants : le niveau de réduction des émissions des pays développés et des sociétés multinationales, le niveau de financement offert par les pays développés, la création d’un Tribunal international pour la justice climatique et environnemental, le besoin d’une Déclaration universelle des droits de la Terre-Mère, et le besoin de changer le système capitaliste actuel… Finalement, nous décidons de tenir une Seconde conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre-Mère en 2011, comme faisant partie du processus de construction du Mouvement mondial des peuples pour la Terre-Mère et en réaction aux résultats de la Conférence sur le changement climatique qui se tiendra à la fin de cette année à Cancún au Mexique. »

Le réchauffement climatique et ses conséquences

Deux faits : l’année 2005 a été la plus chaude de toute l’histoire de la météorologie ; le réchauffement s’accélère (0,8° C en un siècle, dont 0,6° C sur les trente dernières années). Les dernières prévisions des 2 500 scientifiques du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat regroupant 130 pays) établissent que le réchauffement planétaire devrait se poursuivre au cours du XXIe siècle. Selon les hypothèses retenues, les prévisions pour les 50 années à venir vont de 1,8 à 3,4° C. Cette hausse représente, par rapport à la moyenne de 1951-1980, de trois à cinq fois plus que la hausse moyenne de 0,6° C observée en 2005, l’année de la canicule en Europe et en France. Il semble possible de lutter contre ce réchauffement, car, selon le dernier rapport du GIEC, le réchauffement climatique depuis 1950 est très probablement d’origine humaine. En effet, la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre, responsable du réchauffement du climat, ne cesse d’augmenter depuis le début de l’ère industrielle. L’utilisation massive de carbone fossile (charbon, pétrole et gaz naturel) mais aussi les changements d’utilisation des sols (déforestation, conversion de prairies en terre arables, etc.) en sont les principales origines. Les conséquences environnementales les plus certaines : Selon le quatrième rapport du GIEC publié en 2007, plusieurs conséquences sont considérées comme très probables : 1. Les glaciers et calottes glaciaires de l’hémisphère nord devraient continuer à diminuer alors que la calotte glaciaire antarctique ne devrait pas diminuer au cours du XXIe siècle. 2. L’élévation prévue du niveau de la mer en 2100 sera de 18 à 59 cm. Elle pourrait être de 2 mètres en 2300 du fait de l’inertie thermique des océans, voire plusieurs mètres du fait de la fonte partielle des glaciers polaires. D’où des inondations dans les zones basses, comme les deltas (Bangladesh, Chine du Sud) et la disparition des îles de faible altitude. 3. Le GIEC considère comme probable un ralentissement du Gulf Stream dû à la plus faible aspiration des eaux froides vers les fonds océaniques aux hautes latitudes de l’hémisphère Nord. Un tel phénomène ralentirait le renouvellement des eaux profondes océaniques et mettrait en cause la douceur du climat européen et breton en particulier. 4. Environ 20 à 30 % des espèces évaluées à ce jour sont susceptibles d’être exposées à un risque d’extinction si l’augmentation du réchauffement mondial moyen dépasse 1,5-2,5° C. Avec une augmentation de la température mondiale moyenne supérieure d’environ 3,5° C, les projections indiquent des extinctions de 40 à 70 % des espèces du monde entier. 5. Les systèmes naturels les plus affectés par le réchauffement sensibles seront les glaciers, les récifs coralliens, les mangroves, les prairies humides, les forêts boréales et tropicales et les écosystèmes polaires et alpins.
D’autres conséquences environnementales sont moins certaines. Les experts les désignent sous le terme de « bombes à Carbone » parce qu’elles résultent de cycles mal connus qui peuvent provoquer un emballement du processus de réchauffement climatique par des processus contribuant eux-mêmes à renforcer l’effet de serre responsable du réchauffement. 6. Si le réchauffement continue au rythme actuel, il en résultera une extinction de masse des récifs coralliens à l’échelle planétaire à partir de 2015-2020, d’où une forte réduction de la faune et de la flore, ce qui diminuera les capacités d’absorption du CO2 par les mers et les océans. 7. La déforestation à grande échelle associée à l’exploitation de cannes à sucre et d’huile de palme pour produire des agrocarburants limitera d’autant les absorptions très importantes du CO2 par les forêts, réchauffement qui rendra plus probable les feux de forêt. 8. Le méthane (CH4) est un gaz à effet de serre vingt-trois fois plus réchauffant que le CO2. Il se forme dans les sols humides et les marais lorsque la décomposition de la matière organique s’effectue avec un manque d’oxygène. Quand le sol est gelé, le méthane reste piégé dans la glace sous la forme d’hydrates de méthane. Le sol de Sibérie est ainsi un immense réservoir de méthane que le réchauffement risque de libérer, ce qui multiplierait par trois ou quatre la vitesse du réchauffement planétaire. Une série de conséquences négatives majeures pour l’humanité est associée par le GIEC avec le réchauffement au XXIe siècle.
1. Une baisse des rendements agricoles potentiels dans la plupart des zones tropicales et subtropicales, mais aussi dans les latitudes moyennes et élevées (en Europe, Asie et Amérique du Nord, dans l’hypothèse d’un réchauffement fort).
2. Une diminution des ressources en eau dans la plupart des régions sèches tropicales et subtropicales et dans certaines régions tempérées, notamment dans les régions méditerranéennes.
3. L’extension des zones infestées par des maladies comme le choléra ou le paludisme.
4. Des risques d’inondation accrus, à la fois à cause de l’élévation du niveau de la mer et en raison des modifications du climat, en particulier dans les zones à mousson. D’où l’accroissement du nombre de réfugiés climatiques obligés de quitter leur lieu de vie en raison des inondations au Bangladesh, dans le delta du Nil, ou de la submersion d’archipels comme les îles Tuvalu.
5. Des ouragans plus puissants et plus fréquents du fait des océans plus chauds, d’où une plus grande probabilité de dommages très graves dans les zones côtières (Antilles, Bangladesh et Birmanie).
Déplacements de population Les Nations unies évaluent à 50 millions le nombre d’habitants qui pourraient être contraints de quitter leur lieu de vie en raison des conséquences du changement climatique (avancée du désert de Gobi en Chine, inondations au Bangladesh et dans le delta du Nil, submersion d’archipels comme les îles Tuvalu). D’ores et déjà un certain nombre de populations ont commencé à migrer des lieux à risques vers d’autres lieux qu’elles estiment plus sûrs : sur l’île de Tegua, dans l’archipel de Vanuatu, au milieu de l’océan Pacifique ; des agriculteurs mozambicains ont fui vers la Zambie, et l’exode touche aussi des Soninkés de la région de Kayes, au Mali. Ce phénomène va s’élargir dans les prochaines années.

Le GIEC et les climatosceptiques

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a été créé en novembre 1988 par deux organismes de l’ONU : l’organisation météorologique mondiale (OMM) et le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Le GIEC tient une séance plénière annuelle associant des centaines de représentants des gouvernements et des associations participantes. Chaque pays membre dispose d’une voix (les petits pays ont donc autant de pouvoir que les grands). L’assemblée y établit le champ des rapports à produire et valide les rapports établis. Le GIEC réunit également des ateliers d’experts sur les différentes questions touchant au changement climatique. Ses activités sont principalement la production des rapports (rapport d’évaluation, rapports spéciaux), de directives méthodologiques et de documents techniques. À ce jour, quatre rapports d’évaluation produits en 1990, 1995, 2001 et 2007 ont servi de base aux différents sommets, depuis le sommet de la terre de Rio en 1992 au COP15 de Copenhague en 2009. Le cinquième rapport en préparation est prévu pour 2014.
L’offensive enrayée des climatosceptiques Utilisant quelques erreurs, notamment une sur la fonte des glaciers de l’Himalaya dans le résumé technique du quatrième rapport, les climatosceptiques ont cette dernière année lancé de vives offensives pour mettre en doute la crédibilité des experts du GIEC, les accusant de falsifier les données et d’imposer leurs points de vue. Par exemple les climatosceptiques soupçonnaient les chercheurs du Centre de recherche sur le climat de l’université d’East Anglia (CRU) de trafiquer les chiffres pour faire croire à un hypothétique réchauffement climatique. L’accusation a été balayée par l’enquête du Parlement britannique : « Sur les allégations contre l’attitude des scientifiques du CRU, nous sommes arrivés à la conclusion que leur rigueur et leur honnêteté ne peuvent être mises en cause. » Les parlementaires ont estimé que les chercheurs d’East Anglia avaient agi conformément aux pratiques habituelles et qu’ils n’avaient pas cherché à tromper. Les climatosceptiques se plaignaient de ne pas avoir accès aux données. La réponse de la commission d’enquête est sans ambiguïté : « L’argument selon lequel le CRU aurait quelque chose à cacher ne tient pas. Toute recherche indépendante a la possibilité de télécharger les données et de rédiger ses propres conclusions sans avoir recours aux informations du CRU. » Le rapport rejette l’idée selon laquelle les chercheurs du CRU auraient abusé de leur situation pour empêcher la publication d’articles signés par des climatosceptiques. Les enquêteurs n’ont trouvé « ni subversion du processus (scientifique) de révision par des collègues, ni tentative d’influencer la politique éditoriale des revues scientifiques ». Quant à la valeur des arguments de Claude Allègre, développés dans son livre L’Imposture climatique ! , nombre d’articles ont démonté les mensonges, erreurs et falsifications qu’il contient. Un texte signé par plus de 400 scientifiques français travaillant dans le domaine du climat demande à la ministre de la recherche « une réaction » et «  l’expression publique de [sa] confiance vis-à-vis de [leur] intégrité et du sérieux de [leurs] travaux ». Un appel a été lancé également à d’autres destinataires : les dirigeants de l’Académie des sciences et des organismes de recherche comme le CNRS. Le 1er avril Valérie Pécresse informait Libération qu’elle avait « saisi le président de l’Académie des sciences pour qu’il organise en son sein un débat sur le sujet ». Attac France, octobre 2010

Bibliographie
-  Attac : « Urgence climatique, justice sociale », brochure 2009, www.france.attac.org/spip.php ?rubri...
-  Azam Geneviève, Le temps du monde fini, vers l’après-capitalisme , Paris, Les Liens qui libèrent, 2010.
-  Chakrabarty Dipesh, « Le climat de l’histoire : quatre thèses », Revue internationale des livres et des idées (RILI), n°15, 2010.
-  Durand Cédric, Le capitalisme est-il indépassable ? , Paris, Textuel, 2010.
-  Le Treut Hervé, Huet Sylvestre, Chappellaz Jérôme, et Godard Olivier, Changement climatique : les savoirs et les possibles, La Ville Brûle, 2010.
-  Mouvements , « Un climat d’injustice. Crise et inégalités écologiques », n° 60, automne 2009.
-  Mouvements , « Altermondialisme saison 2 : de Seattle à Cochabamba », n°63, automne 2010.
-  Semal Luc, Szuba Mathilde, « Les Transition Towns : résilience, relocalisation et catastrophisme éclairé », Entropia , n°7, Parangon, Lyon, 2009.
-  Welzer Harald, Les guerres du climat , Gallimard, Paris, 2009.

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