Atelier n° 5 : Pour une nouvelle matrice démocratique politique et économique

L’initiative de l’atelier.

Elle provient d’une liste de discussion entre personnes au sein d’Attac, et non à partir d’un CL. C’est une première. Cette origine permet d’expliquer le sens de l’atelier, son organisation et son déroulement.

L’idée de départ est de reprendre le document d’orientation d’Attac France qui fixe l’objectif de « Mettre la démocratie aux postes de commande » de toute l’activité de l’association. Mais qu’entend on par démocratie, au-delà de la dénonciation des pratiques anti-démocratiques qui ont cours communément.

L’objectif de l’atelier est donc de faire un point d’étape sur une une démarche de recherche d’une nouvelle matrice démocratique appuyée sur des expériences durables de démocratie dans la cité et dans l’entreprise. L’atelier de juin 2013 marque une première étape d’échange et de confrontation des travaux entrepris par des membres de cette liste de discussion.

Composition et déroulement de l’atelier

40 personnes ont participé à l’atelier le samedi 1er juin de 16h45 à 18h30

6 intervenants ont fait une communication de départ sur 5 thèmes, ou plutôt 5 points d’entrée, relatifs à la problématique des pratiques démocratiques :

  • Sophie Banasiak et Jacob Nova (Paris) à partir de la pratique démocratique au sein du mouvement des indignés.
  • Françoise Clément (CL 78) interroge la question de la démocratie dans les mouvements de libération contre les dictatures lors des printemps arabes.
  • Thierry Bruguevin (CL Besançon) analyse la question démocratique dans les coopératives de Mondragon en Espagne
  • Jean Claude Bauduret (CL 32) expose le mode de fonctionnement en démocratie directe dans la municipalité de Marinadela.
  • Jean Michel Toulouse (CL paris 14) va puiser dans l’expérience historique de la démocratie athénienne du 4ème siècle avt JC les ressources pour un renouveau démocratique dans nos sociétés actuelles.

La diversité des points d’entrée a permis une grande richesse des débats. Elle induit aussi une difficulté réelle d’en tirer une synthèse approfondie.

Les points forts et les questionnements issus des exposés initiaux, enrichis par les discussions qui ont suivi.

1 La vraie démocratie est celle qui permet l’expression directe de tous les citoyens dans le débat et leur participation aux prises de décisions.

C’est la ligne de conduite des « indignés » ou chacun est positionné à l’égal de tous pour la prise de parole, la définition des ordres du jour, les modes d’organisation, et les prises de décision. On retrouve ces mêmes principes dans la gestion de la collectivité de Marinaleda. Dans l’Athènes de Péricles, ces mêmes principes d’égalité de position des citoyens sont observés (dans la limite du contexte historique ou tout le monde n’est pas considéré comme citoyens,).

La démocratie directe suppose le rejet de mandat de représentation pérenne. S’il y a lieu les mandats ont une durée limitée et les responsabilités sont assumées de façon rotative. La pratique du tirage au sort pour la désignation de mandatés sur des fonctions particulières est la règle. La démocratie c’est aussi un apprentissage : chacun doit pouvoir prendre une place de responsabilité. Chacun doit aussi savoir écouter.

Ces principes soulèvent plusieurs questions :

  • Dans l’idéal, les décisions se prennent à l’unanimité. L’expérience chez les indignés a conduit à faire évoluer ce principe vers des décisions prise à la majorité des 80% .
  • La démocratie directe s’accorde avec l’échelle d’un territoire et la taille du groupe concerné. Au-delà d’un certain seuil, des nouvelles techniques de débat et de prise de décisions sont à inventer. Des réflexions sont en cours chez les indignés concernant l’usage des technologies modernes de communication pour des débats et des prises de décision sur une échelle plus large que le local
  • Pour certaines fonctions, l’élection de représentants semble plus adaptée, le tirage au sort ne convenant pas. Le fonctionnement de la démocratie athénienne ouvre des pistes à retenir.

2 La démocratie représentative est nécessairement contradictoire. Démocratie et représentation sont 2 termes antinomiques.

Dans le mouvement pour une nouvelle matrice démocratique, il importe de mettre la démocratie directe partout ou c’est possible. Dés que les modes de représentation s’imposent, il convient alors de les encadrer strictement : des mandats impératifs, de courte durée et jamais répétitifs.

3 La démocratie dans l’entreprise

La réflexion s’est appuyée sur la seule expérience des coopératives de Mondragon.

Bien que riche, cette expérience ne constitue pas une référence suffisante pour traiter de la question de la démocratie dans les unités de productions.

Néanmoins 2 points ont été mentionnés :

  • La démocratie dans des entreprises où la propriété des moyens de production est impossible. Certes des dispositifs peuvent être prévus de représentation des salariés dans les instances de direction de l’entreprise. Mais lorsqu’ils existent (les récents accords de l’ANI), ils ont assortis d’obligations de réserve qui place le représentant des salariés dans une position de coupure par rapport au collectif et donc d’allié de la direction (quelques soient ses bonnes intentions)
  • Dans les coopératives, le mode démocratique de gestion par et pour les « coopérateurs » permet au moins d’obtenir une meilleure répartition de la valeur ajouté et des échelles de salaires dont l’écart est considérable lent moindre que dans l’entreprise privée.

Il s’agit là de la réflexion de départ ; il y a eu au moins 2 ou 3 propositions dans le débat, d’une autre nature, pour un rôle plus participatif et décisionnel des salariés.

4 Les mouvements de libération des printemps arabes et la question démocratique

La chute des dictatures dans les pays arabes (Tunisie, Lybie, Egypte, Yemen etc.) ne suffit pas à établir de facto l’avènement de la démocratie. Chaque situation mérite une analyse fine des forces sociales, politiques et militaires en présence et des rapports qu’elles entretiennent avec les pouvoirs des puissances externes.

Il n’y a pas un modèle démocratique exogène transposable dans chaque situation.

L’introduction de formes démocratiques sur le modèle des élections pour une « démocratie représentative » soulève des contradictions énormes lorsqu’elles font émarger des forces politiques parfois plus liberticides sur certains aspects de la vie des individus.

Cela nous pose beaucoup de questions : quels mouvements, quelles organisations faut-il soutenir pour une réelle avancée de la démocratie citoyenne ?

5 Deux pistes en guise de conclusions provisoires.

L’exigence démocratique partout !

Les apports initiaux et les débats au sein de cet atelier ont renforcé la conviction que dans tous les chantiers d’Attac la question de la démocratie doit être présente, non comme un supplément d’âme mais sous 2 registres complémentaires :

  • La dénonciation des modes anti- démocratiques (et donc contre les intérêts des peuples) dans les processus de décisions politiques, qu’ils concernent le niveau national ou international. Une bonne illustration en a été donnée au cours de cette CNCL lorsque ont été traités les ALE (Accord de Libre Echange) Union Européenne- Canada qui se concoctent en dehors de toute implication des citoyens, voire des députés (mandat non impératif donné à la Commission européenne par le parlement européen pour mettre au point les accords, lesquels seront la négation des lois et des règlements nationaux préalables aux accords !

D’autres illustrations : les grands projets inutiles tels NDL, les permis d’exploration des Gaz de Schistes etc.

  •  

La promotion d’espaces de débat direct, de démocratie à réinventer, pour développer les luttes citoyennes contre les grandes initiatives anti- démocratiques des pouvoirs politiques encerclés par les lobbies des multinationales (Exemple des débats passés sur le TCE ; des mouvements des actions et des débats pour contrer le projet de NDL

L’invitation à poursuivre la réflexion sur le renouvellement de la matrice démocratique comme chantier permanent sous des formes à préciser. dans un premier temps par la poursuite du travail initié par les membres de la liste de discussion

Rappel de la présentation de l'atelier

Le document d’orientation fixe l’objectif de « Mettre la démocratie aux postes de commande ». Néanmoins beaucoup de ce qui se dit ou s’écrit un peu partout sur le sujet se contente de dénoncer les pratiques antidémocratiques comme s’il suffisait de les supprimer ou d’en prendre le contrepied pour que la démocratie s’installe spontanément. L’exemple des révolutions arabes en cours montre qu’il n’en est rien. D’où l’importance de la recherche d’« une nouvelle matrice démocratique » à laquelle Attac nous a invité lors de son AG.

Tout n’est pas à inventer. Il y a, dans le monde et dans l’histoire des expériences durables de démocratie dans la cité et dans l’entreprise. C’est à partir de celles-ci que la liste de discussion « démocratie » invite les CLs à réfléchir sur quelques questions essentielles.

  • La démocratie suppose des citoyens éclairés.
  • Le débat est un élément fondamental pour éclairer les citoyens.
  • Il suppose une bonne communication où chacun peut-être à la fois émetteur et récepteur.
  • Quels moyens de communication ?
  • Le débat n’a d’intérêt que s’il débouche sur une décision. Quelles limites dans le temps et la taille du collectif concerné pour une bonne communication et une bonne décision ?
  • Peut-on se contenter de la règle des 50%+1voix ?
  • La démocratie pratiquée en un lieu donné ou dans une entreprise peut-elle gagner toute la société ?
  • Un citoyen, un travailleur peut-il être valablement éclairé sur tous les problèmes qui se posent à sa collectivité ? Quelle est la nature de ses limites : temps, compétences, etc… ?
  • Faut-il, à un moment donné, faire confiance à d’autres ? Dans quelles conditions ?
  • Peut-on traiter la question démocratique de la même façon dans une association, un syndicat, un parti, un territoire, une entreprise ?
  • Quel rapport entre luttes sociales et démocratie ?

A partir des expériences des « indignés », de certaines municipalités comme Marinaleda, de l’exemple historique de la démocratie Athénienne, de coopératives comme « Mondragon », brièvement exposées nous tenterons d’esquisser ce que pourrait être cette nouvelle matrice démocratique.

Bibliographie

  • Yves Sintomer. « Petite histoire de l’expérimentation démocraitique. – Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours ». La découverte Poche. 2011
  • Luciano Canfora « La démocratie.- Histoire d’une idéologie » Le Seuil, juin 2006
  • AITEC « Lobby Planet » Nov 2009
  • Fondation « Sciences Citoyennes » : « La Convention des citoyens.
  • Bernard MANIN : « Principes du gouvernement représentatif » Flammarion / collection Champs / essais / n° 820
  • Thierry Weber : « La Camif, le défi inachevé » Edition du Velours 2011
  • Jacques Prades : « L’utopie réaliste.- Le renouveau de l’expérience coopérative » L’Harmattan 2012