Le point de départ de cet atelier a été la présentation survolée d’un ouvrage collectif du groupe ecolnfo (CNRS), « Impact écologique des technologies de l’information et de la communication, les faces cachées de l’immatérialité » . Ce groupe est constitué de 8 chercheurs et ingénieurs s’intéressant à l’ensemble des impacts environnementaux et sociaux des équipements concernés par les technologies de l’information et de la communication (TIC). Conformément à la présentation de Catherine Colas, cet atelier a induit et suscité des réactions principalement critiques sur ces TIC, pointant « les dangers et dérives » liées à l’avènement et à l’envahissement de ces nouvelles pratiques et mettant en évidence un paradoxe : la prégnance de la place des outils numériques ainsi que leurs nuisances occasionnées sur différents plans d’une part, et l’évidence du caractère indispensable et incontournable de son utilisation dans les recherches diverses et les formes d’organisations collectives d’autre part. Ainsi on peut parler de véritable révolution numérique à l’échelle planétaire. Ce phénomène recouvre de multiples aspects dont nous n’avons abordé que « la face cachée ».
1-L’impact écologique
Déclinaison de trois problèmes :
- La consommation d’énergie : A priori, un courrier électronique semble moins polluant qu’un courrier physique acheminé par camion, train, avion. Mais c’est sans compter les dispositifs nécessaires à la communication par courriel (ordinateurs, réseaux de communication, serveurs de stockage). 247 milliards de courriels ont été envoyés par jour dans le monde en 2009 ; et selon l’ADEME (agence de la maîtrise de l’énergie), les 500 milliards par jour seraient dépassés en 2013 (cf. émission radio France Culture du 28/01/2013, Place de la Toile-Rue89 « Un email, çà coute cher à la planète »). Le fonctionnement d’internet nécessite d’immenses centres de données (Datacenter) énergivores et producteurs de chaleur (effet de serre).
- La production de déchets : La vitesse de renouvellement des produits, accordée à l’inexorable mouvement de la consommation, à l’obsolescence programmée ou non, est responsable de l’augmentation des déchets, posant le problème crucial des techniques de recyclage (et de réparation) et déclinant celui de la pollution des déchets. Il se double d’un problème humain, le recyclage étant souvent délocalisé dans des pays où les normes sociales et environnementales sont beaucoup plus permissives que dans les pays à fort niveau de revenus.
- La finitude des ressources : sur laquelle cependant on peut avoir un regard nuancé si l’on compte sur la capacité à trouver et synthétiser de nouveaux matériaux. Il n’empêche que la production de TIC a provoqué un bond énorme de la demande pour des métaux dont l’utilisation était jusque là marginale, en particulier ce qu’on appelle les « terres rares », et que ces ressources ne sont pas inépuisables.
On identifie donc un impact écologique important à différents moments du cycle de vie des objets numériques (fabrication, utilisation, recyclage) ; la miniaturisation ne signifiant pas moins d’impacts. Il existe au demeurant des outils d’analyses du cycle de vie (ACV), à améliorer afin d’avoir une vision plus complète de l’impact des TIC. Cela suppose un suivi aigue et donc des pressions sur nos politiques et leurs capacités à fixer un cadre législatif débouchant sur des normes de fabrication moins polluantes.
2-Favorisation des inégalités sociales
- Inégalités sociales liées à des rapports de domination économique sous l’angle de l’Extractivisme : pillage, destruction, nouvel esclavagisme (exemple de l’extraction du coltan au Congo).
- Fracture numérique, fracture sociale : liée à la disparité d’accès aux technologies informatiques favorisant un clivage, facteur d’inégalités. A ce sujet de nombreux exemples ont été partagés : problèmes liés à l’attribution (progressive et subtile) du rôle d’enseignant à l’ordinateur, dépossédant l’humain et diminuant le temps d’apprentissage dispensé ; ceci nous interroge sur le rôle de l’école (reflet de la société) et sa capacité à émettre et favoriser des pédagogies prenant en compte la transmission des savoirs et leurs modalités d’appropriation au plus grand nombre d’élèves. Apprendre ne se résumerait pas à « copier-coller ».Cette problématique peut se décliner aux difficultés rencontrées dans le champ administratif et social pour les personnes ne possédant ni ordinateurs ni savoir-faire, et facteurs d’inégalités.
3-Internet : outil de contrôle social, économique et politique
La globalisation de l’économie a été favorisée par internet permettant délocalisations et spéculations financières. Le ciblage publicitaire de plus en plus précis via internet nous transforme en produit intégré de fichiers, et la mise en place de bases de données est un facteur de domination économique (cf : article du Monde diplomatique de juin 2013 « Pêcher le client dans une baignoire »). Enfin et sans conteste, grâce à Google et Facebook, le cadre adéquat semble fixé pour la surveillance citoyenne (traçabilité, fichage…).
4-Impacts culturels
Référence est faite à Marshall Mc Luhan [1] et à sa théorie « Le médium, c’est le message ». Vu sous cet angle, l’utilisation des nouveaux médias (téléphone, internet…) inverse l’opposition « fond/forme » et c’est l’expérience du média utilisé qui devient primordiale par rapport au contenu même du message. A ce titre, observons la manière dont internet s’est approprié les révolutions arabes, médiatisées sous l’appellation « révolutions internet ».
De toute évidence l’avènement des TIC modifie nos comportements et ce à travers de multiples aspects :
- modification du rapport au temps par l’accélération des échanges, une certaine injonction à la vitesse (et sa fascination), à la réponse immédiate, l’instantanéité.
- modification du rapport à la mémoire.
- phénomène de saturation liée à l’envahissement des courriels. Limites de l’accumulation des données et informations à traiter. Illusion du vertige de l’accélération (« Un seul clic et le monde est à vous ! »).
- renforcement de l’individualisme et de pratiques isolantes…
5-Les aspects positifs, malgré ce tableau noir, ont été relevés
- la neutralité du Net permet aux causes minoritaires d’offrir des contenus dont la circulation est favorisée (messages, pétitions…).
- réduction de certains déplacements et donc de leurs impacts écologiques (ex : sommet de Copenhague).
- facilitation des recherches.
- efficacité dans les organisations collectives.
- favorisation de certains échanges.
Toutes ces considérations, issues d’un mélange de données objectives et de ressentis, sorte d’inventaire critique des TIC, ne nous ont pas permis de répondre à la question des vigilances à adopter pour favoriser une utilisation consciente et raisonnée de l’outil informatique. Par contre un constat relativement unanime a été dressé. Celui de la nécessaire éducation à l’utilisation des TIC, et information au sujet des enjeux, au sens le plus global du terme ; considérant que l’on peut se servir d’un même outil pour construire ou détruire.
Bibliographie
- « Impact écologique des technologies de l’information et de la communication-Les faces cachées de l’immatérialité », du groupe ecolnfo (CNRS), EDP édition.
- Article du Monde diplomatique n°711 juin 2013, « Pêcher le client dans une baignoire, nouveaux outils du marketing », par Jacques Nantel , professeur de marketing à HEC Montréal et Ariane Kroll, journaliste.
- Emission radio France Culture du 28/01/2013, Place de la Toile-Rue89, « Un email, çà coûte cher à la planète ».
- Marshall Mc Luhan, « Pour comprendre les médias », ed. Seuil 1968.