Atelier n° 1 : Pourquoi un atelier CNCL sur la PAC ?

La politique agricole commune a d’abord eu pour but après la guerre l’auto-suffisance agricole européenne, mais comme les autres secteurs économiques, la PAC est devenue dépendante de la financiarisation.

L’apiculture, le maraîchage et la viticulture n’en font pas partie.

Peu à peu, les états membres se retirent pour laisser la place aux privés par des contrats entre agriculteurs et grosses entreprises agro-alimentaires. D’autre part, les règles de l’OMC prédominent et, par exemple, les quotas laitiers ont dû être abandonnés pour non-respect de la « concurrence libre et non faussée ». Une autre conséquence est que dans la filière viticole, les viticulteurs sont de plus en plus dépendants d’investisseurs étrangers qui s’accaparent les vignes.

La PAC a dès le départ favorisé les grandes exploitations en instaurant des primes à la surface cultivée et aux têtes de bétail. Et même quand en 2003 la PAC a décidé de découpler les primes, les nouvelles aides ont été basées sur les primes perçues avant (références historiques). Cela fait que les gros ont continué à monopoliser les aides et a favorisé les anciens pays de l’UE, car les pays entrants, à forte population agricole, n’ont pas réussi à respecter les règles imposées.

Après un bref exposé historique de Claude Girod et Gilles Lemaire, l’atelier s’est posé la question de savoir où en sont les négociations pour le renouvellement de la PAC.

Il faut d’abord savoir que les négociations se déroulent entre la commission agricole de Bruxelles, le conseil européen et le parlement européen qui, depuis le traité de Lisbonne, a obtenu compétence dans le domaine agricole.

Ces négociations doivent amener la PAC à s’appuyer sur deux piliers :

  1. une aide directe par un paiement de base qui abandonnera les références historiques et plafonnera les aides par agriculteur
  2. le deuxième pilier est un plan de développement rural.

Les négociations bloquent sur le montant des plafonnements des aides du premier pilier. Le parlement propose 400 000 euros, mais la commission veut plus.

Pourtant, cette somme ne concerne que 0,4% des agriculteurs. Le vote du budget 2014-2017 est donc bloqué. Au bout du compte, c’est le Conseil européen qui tranchera si les négociations n’aboutissent pas avant la fin de l’automne.

Ensuite, Claude Giraud nous a exposé les propositions de la Confédération Paysanne :

  1. une aide à l’actif (VE) agricole et non à l’exploitation
  2. plafonnement à 100 000 euros des aides
  3. aides identiques sur tout le territoire et pour toutes les productions.
  4. trois cultures au minimum en rotation
  5. maintenir les prairies
  6. 7% de la surface non cultivées : et, zones humides, talus... en sachant que tout ce qui est boisé n’entre pas en ligne de compte.
  7. sur le deuxième pilier, la Conf préconise le soutien aux productions locales, les circuits courts, les AOP, la protection de l’environnement et le maintien de l’activité agricole ( 500 000 travailleurs(euses) actuellement. Une aide ciblée sur les deux petites fermes.

La discussion a porté ensuite sur ce que peuvent faire les CL.

D’abord, l’application de la PAC se fait pays par pays à travers des débats notamment dans les parlements nationaux : il faut donc interpeller nos députés.

On peut aussi soutenir la campagne « Envie de paysans » ( www.enviedepaysans.fr ) menée par la Conf, le réseau des AMAP et le réseau des consommateurs... et faire des réunions régionales avec les agriculteurs. Attac pourrait aider à l’élargissement de ces organisations vers les syndicats de salariés agricoles et les organisations de solidarité internationale.

Ces deux actions doivent se dérouler durant l’automne avant le vote de la PAC.

L’atelier propose une campagne nationale d’Attac sur la PAC cet automne.

Il faut aussi sensibiliser les gens à l’accès au foncier, au national comme à l’international : faire connaître le problème de l’accaparement des terres agricoles des pays pauvres par d’autres pays et investisseurs privés et celui de l’accès aux terres agricoles par de nouveaux agriculteurs qui ont du mal à trouver des terres chez nous.

Rappel de la présentation de l'atelier

Instaurée dans l’immédiat après guerre, avec l’objectif de retrouver l’autosuffisance alimentaire en Europe, en soutenant le revenu des agriculteurs, la PAC, Politique Agricole Commune, tente aujourd’hui de s’adapter à un autre contexte : donner une légitimité aux aides (subventions), intégrer les contraintes du libéralisme économique, répondre aux attentes de la société. Ces impératifs souvent contradictoires rendent l’exercice difficile. Les citoyens contribuables, souvent absents des décisions de Bruxelles, veulent aujourd’hui une autre agriculture. Il est donc très important de comprendre les mécanismes et les enjeux d’une politique européenne en cours de réforme structurelle.

1) Des aides légitimes

Longtemps la PAC s’est bornée à soutenir la production en répartissant les subventions d’après le nombre d’hectares, les têtes de bétail, ou les investissements (« modernisation ») des exploitations. En encourageant l’accumulation du capital, la PAC a amplifié l’agrandissement, la disparition des petites fermes, la spécialisation des territoires. Du coup 20 % des agriculteurs reçoivent 80 % des aides, les zones rurales se vident de leurs agriculteurs, de leurs habitants, et de leurs services publics.

Il est impossible de maintenir le budget de la PAC sans légitimité sociale. Il faut plafonner les aides par actif, sur primer les premiers hectares, aider les petites fermes toutes productions confondues.

2) Des contraintes libérales

Dans le même temps, par le recours aux subventions les prix à la production sont restés artificiellement bas, dans la plupart des cas inférieurs aux coûts de production, au grand bénéfice de l’industrie agroalimentaire si ce n’est des consommateurs. Aujourd’hui, soumis aux cours mondiaux et aux spéculations financières sur les matières premières agricoles, la volatilité des prix fragilise ce difficile équilibre. Le contexte libéral imposé par l’OMC, qui prétend généraliser une « concurrence libre et non faussée », fait que les aides directes (ou aides à la production) sont désormais hors la loi.

Dans cet esprit les rares outils de gestion de la production (ex : quotas laitiers.) sont condamnés. Les pouvoirs publics, Europe, États, régions, abandonnent leur pouvoir réglementaire, au seul « marché ». Comme dans d’autres secteurs économiques, l’Europe tourne le dos aux travailleurs et aux citoyens. C’est un déni de démocratie et de souveraineté.

3) Des attentes sociétales

Les technocrates de Bruxelles ont du travaillé pour un autre habillage de la PAC, avec d’autres critères de conditionnalité. Dans cette logique est né le « deuxième pilier » de la Politique Agricole commune, dit de développement rural, qui prétend prendre en compte les exigences environnementales. Il est abusif de parler de contraintes, tant la PAC à du mal à abandonner les « références historiques » de ses fondamentaux, et à fâcher les lobbies agricoles. Il ne reste pas grand chose, des timides propositions de « verdissement » de la commission européenne après le récent recul, de la commission agricole, du parlement européen.

C’est la première fois que les parlementaires sont consultés sur les questions agricoles, plus que jamais, il faut faire pression auprès de nos représentants pour que les subventions publiques encouragent effectivement des pratiques souhaitées par les citoyens.

Ceci n’est qu’un rapide exposé des logiques en présence. Déjà beaucoup de questions sont posées qui ne recouvrent pas l’ensemble des revendications. L’agriculture tient une place particulière dans la mise en place du libéralisme économique. Elle a intégré avec zèle et efficacité les normes de compétitivité, (une ferme disparaît toutes les 3 minutes en Europe, les « affaires de mal-bouffe se multiplient…). Elle s’est rapidement « mondialisée » en important massivement les intrants dont elle a besoin (soja, agro-carburants…), et en délocalisant (accaparement de terres..). Par contre elle vit sous perfusion d’aides publiques, il est grand temps qu’elle rende des comptes aux citoyens.