Contre un partenariat transatlantique au service des multinationales

vendredi 14 juin 2013, par AITEC, Attac France

Vendredi 14 juin, le Conseil européen se prononce sur l’engagement des négociations avec les États-Unis en vue d’aboutir à un Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement. L’Association internationale des techniciens experts et chercheurs (AITEC) et Attac France explicitent les enjeux de cet accord et en dénoncent les risques. Les deux organisations publient également une lettre ouverte à Nicole Bricq.

L’Union européenne n’en est pas à son coup d’essai. Convaincue depuis 2006 que le salut de son économie réside dans la pénétration maximale des marchés tiers et dans la sécurisation de son accès aux matières premières stratégiques, elle s’est engagée dans une stratégie agressive visant à conclure des accords de libéralisation du commerce et des investissements partout sur la planète.

Le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI) est présenté par ses promoteurs –la Commission et les 27 États membres autant que l’administration fédérale américaine– comme un accord essentiellement « technique », qui permettra la convergence des standards dans des domaines aussi divers que la longueur des cables électriques du petit électroménager, l’inflammabilité des vêtements, les standards sanitaires dans le domaine agro-alimentaire ou encore les protocoles de test des produits pharmaceutiques ou du matériel médical...

A en croire les responsables français de la négociation, cet accord renforcera la compétitivité de nos entreprises ; il se traduira tout naturellement en croissance, et donc en emplois préservés (voire créés) dans l’Union européenne –une aubaine. Le gouvernement français s’est donc montré jusqu’ici bienveillant. Il se satisferait de quelques garanties, notamment l’exception culturelle et les marchés publics de la défense.

Pourtant, ce futur accord est alarmant. Faut-il sacrifier le risque sanitaire et la santé publique à la compétitivité à court terme ? Peut-on atteindre la justice sociale si les services essentiels sont fournis par des entreprises privées qui n’obéissent qu’à la loi du moindre coût ? Voulons-nous transférer le pouvoir d’énoncer le droit à l’industrie privée ?

Avec le PTCI, les risques sont clairs : levée irrémédiable de toutes les normes sanitaires interdisant l’introduction des viandes chlorées ou hormonées ou encore des organismes génétiquement modifiés sur les marchés communautaires ; démantèlement des protections douanières et mise en concurrence accrue des systèmes de production, notamment agricoles ; pouvoir accru des multinationales de l’énergie face aux pouvoirs publics ou aux citoyens qui refusent l’extraction des ressources –en particulier en pétrole et gaz de schiste– présentes sur leurs territoires ; impossibilité pour l’Union européenne et ses États membres d’imposer aux multinationales les choix de politiques publiques indispensables à la protection des citoyens et de l’environnement, à l’amorce de la transition énergétique, à la protection des services d’intérêt général. En effet, les multinationales pourront attaquer toutes les décisions publiques devant des juridictions d’arbitrage contrôlées par le secteur privé.

C’est un des dangers majeurs de l’accord annoncé : l’introduction d’un mécanisme ad hoc d’arbitrage investisseur/État. Par ce mécanisme, les investisseurs se verront octroyer le droit d’attaquer directement des gouvernements souverains qui auraient fait des choix de politiques publiques qu’ils estimeraient contraires à leurs droits de propriété et à la sécurité de leurs investissements, ou qu’ils considéreraient comme des discriminations à leur encontre.

Or, faut-il le rappeler, la création et la protection des emplois européens relèvent avant tout de la volonté publique de soutenir l’investissement dans la recherche et la connaissance, les services publics, l’économie sociale et solidaire, les énergies alternatives, la souveraineté alimentaire... et à protéger, par la fiscalité et les subventions, notamment, des secteurs économiques à la fois stratégiques pour l’emploi et garants du bien commun. La libéralisation des échanges et de l’investissement entre les États-Unis et l’UE rendra de plus en plus impossible le recours à ces instruments, par les États comme à Bruxelles.

Quant aux grands textes internationaux auxquels fait référence la Commission pour garantir que l’accord final ne remettra pas en cause les droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels, environnementaux (conventions de l’Organisation internationale du travail, convention sur le changement climatique, accords multilatéraux sur l’environnement, chartes internationales sur les droits économiques, sociaux et environnementaux), ils semblent de bien peu de secours alors que les États-Unis ne sont signataires de presque aucun d’entre eux, qu’aucune juridiction internationale n’est à même d’en garantir la supériorité par rapport au droit commercial, et que les lobbies des affaires emploient toute leur énergie à les vider de leurs contenus.

Au fond, l’accord futur ne menace pas seulement d’affaiblir les garanties qui protègent les citoyens –travailleurs ou usagers de services publics–, l’environnement et la liberté d’échange et de circulation des connaissances et des idées ; il va à l’encontre du principe démocratique fondamental qui suppose que ceux concernés par les normes, les standards et les règlements –les citoyens– sont également ceux qui doivent les fixer.

Or, pour l’heure, c’est la consultation privilégiée du monde des affaires et de l’industrie dans le cadre des négociations des différents accords qui prédomine. La disproportion des moyens dont disposent ces derniers pour entretenir la pression sur les décideurs politiques, à Paris comme à Bruxelles, renforce notre certitude que l’accord final se négociera à l’aune du seul intérêt des entreprises multinationales, et qu’il consolidera leur pouvoir.

Un tel accord ne saurait être acceptable pour les mouvements sociaux et citoyens. Ils sont déterminés, en France, en Europe et de l’autre côté de l’Atlantique, à mobiliser toutes leurs forces pour empêcher la signature d’un accord qui consacrerait la supériorité du droit des multinationales à faire des profits sur celui des citoyens, à choisir eux-mêmes leur futur, leur cadre et leurs conditions de vie.

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